Culture & Communication. Interview #7 : Ludovic Moreau, directeur, et Alexandre Minel, directeur de la communication de l’Avant Seine / Théâtre de Colombes

Par Marie-Pierre Bourdier

Chaque mois, nous allons à la rencontre des dirigeant·e·s et communicant·e·s du secteur pour partager leurs visions du métier, leurs bonnes pratiques et leurs motivations.  En ce début d’année, pour le 7e entretien, nous avons échangé avec Ludovic Moreau, directeur au parcours de communicant de l’Avant Seine / Théâtre de Colombes (92) et Alexandre Minel, directeur de la communication et du développement. Deux professionnels de la culture et du spectacle vivant, au cœur d’un projet pluridisciplinaire. Ludovic Moreau est entré dans les métiers de la culture par le biais des emplois-jeunes, et découvre les métiers de la communication par les relations avec le public. Après une première longue expérience dans ce qui est aujourd’hui le CDN de Normandie-Rouen du Petit-Quevilly où il commence à programmer de la danse et du jeune public, il prend le secrétariat général de L’Onde Théâtre Centre d’art de Vélizy-Villacoublay. Là, il est en charge plus directement de la communication avec une petite équipe, accompagne le changement d’identité du lieu et initie un travail de relations médias. Six ans plus tard, il postule à l’Avant Seine, suite logique d’un parcours orienté vers la gestion d’un lieu culturel et en prend la direction en 2017. « Je me vois aussi comme un directeur avec une vision complète des métiers de la communication et des RP spécifiques au monde de la culture. » Ludovic Moreau Alexandre Minel, lui, est directeur de la communication et du développement depuis 2019. Un poste qui est véritablement le « condensé de tout ce que j’ai pu faire jusqu’ici ». C’est son envie de devenir journaliste culturel et un stage aux Nuits de Fourvière de Lyon en tant qu’attaché de presse qui l’ont amené vers la communication culturelle. Il devient ensuite l’un des premiers community managers du secteur à la Biennale de la danse, passe par la MC93, repasse aux Nuits de Fourvière, avant de rejoindre l’agence Myra. Une belle rencontre avec la responsable des relations publiques du Tanztheater Wuppertal le conduit en Allemagne pour suivre un projet de médiation avec des adolescents, avant de revenir en France, à l’Avant Seine, avec l’envie d’accompagner le nouveau projet de cette maison.  Pour commencer, 3 mots qui définissent votre communication ? Ludovic Moreau : Pop ET Populaire, ludique et inclusive. La communication est là aussi pour déconstruire l’image qu’on a de la culture, pour rendre le lieu amusant et vivant. Nous avons élaboré un cahier des charges pour recruter un graphiste en externe, un processus très important car de nombreuses actions se basent sur cette identité. Dans la conception de l’identité et ses déclinaisons conçues en collaboration avec Mora Prince / Atelier c’est signé, j’ai voulu beaucoup de couleurs et de chaleur. Cette identité vit dans le lieu par le biais de la signalétique et des couleurs que l’on emploie, en lien avec la décoration.  Alexandre Minel : Généreuse, colorée et décontractée. Ma mission est de préserver et de faire vivre l’identité graphique qui était déjà créée quand je suis arrivé. Pour cela, il faut rester innovant et capter l’actualité, l’air du temps. On travaille avec des typos impactantes qui ont un réel pouvoir d’attraction, sur des punchlines (« Un shoot de spectacle vivant », « Les enfants d’abord »…), parfois le name-dropping dans la ville, on utilise aussi les codes des réseaux sociaux. On a plutôt un bon retour du public sur ces actions. Nos campagnes d’affichages print ne servent pas le remplissage mais davantage la notoriété et la singularité du lieu.  Comment sont organisés les rôles et les missions communication ? Ludovic Moreau : Le théâtre a 30 ans avec une histoire, une équipe et un service de communication. La direction de la communication chapeaute aussi le développement qui renforce les relations publiques. On travaille davantage le rapport au territoire dans ce service qui rassemble 3 salariés en lien avec le directeur de la communication. J’ai délégué le rapport direct à Alexandre Minel, tout en restant force de proposition et en validant tout ce qui sort pour continuer à avoir une vision sur l’identité du lieu. C’est aussi parce qu’il y a un aspect créatif et ludique que j’aime beaucoup dans la communication. Qu’est-ce qui guide votre communication ? En quoi est-elle singulière ?  Ludovic Moreau : Une bonne communication dépend aussi beaucoup de la programmation. Je me remets beaucoup en question par rapport à ça. Quand je pense au planning et aux différentes temporalités dans la saison, je pense aux relations publiques à la manière dont ils vont travailler. Je suis très attentif aux artistes, aux formes, aux thématiques et à la qualité visuelle. Il peut y avoir des déceptions bien entendu mais une une programmation que l’on souhaite la meilleure possible reste le meilleur outil de communication pour un lieu. À ce moment-là, j’aime aussi solliciter mes collègues de la communication pour qu’ils sentent et réagissent au rythme de la saison.Nous sortons d’une période qui nous a obligés à nous remettre en question. Cette année, enfin (!), nous savons que nous allons avoir une vraie saison. Le numérique a été omniprésent, bien entendu, et nous avons essayé de nous renouveler à travers des tutos et des jeux, un quizz pour choisir son spectacle idéal, le partage de ressources en ligne dont des captations. Mais notre enjeu a été surtout de créer le lien et des choses différentes, des temps de parole et de spectateurs. En mai dernier, on a créé un click and collect artistique : le public réservait un créneau  de dix minutes et on venait voir une petite forme ouverte pour 6 personnes maximum dans laquelle on recréait les conditions de cette rencontre artistique. Notre envie était vraiment d’avoir une communication et une relation aux publics sans refuser le numérique mais aussi avec d’autres perspectives et d’essayer des choses un peu différentes. De créer de l’espoir. Et aussi de réagir à l’actualité : si le click and collect était possible dans les commerces, pourquoi ne pas transposer ce concept dans un théâtre, avec l’idée d’une émotion artistique à emporter ?Pour la suite, le but de la communication dans le théâtre c’est faire connaître les projets, mais c’est surtout faire venir sans tout…

Culture & Communication. Interview #6 : Chloë Achard, chargée de la communication de la Comédie – CDN de Reims

Par Clémentine Beltran

Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Sixième entretien avec Chloë Achard, chargée de la communication de la Comédie – CDN de Reims (direction : Chloé Dabert). Le théâtre a toujours intéressé Chloë Achard – le lieu, plus que le plateau, même si elle a suivi un cursus littéraire et une option théâtre au lycée. En licence culture et patrimoine des métiers du livre, elle fréquente la Scène Nationale la Comédie de Clermont-Ferrand où elle rencontre une chargée de communication qui lui ouvre des horizons sur les “métiers de bureau” moins connus. Après un premier stage là-bas, puis un master Gestion de projet culturel – arts du spectacle, elle effectue un stage à la Comédie – CDN de Reims, dans le cadre du Festival Reims Scène d’Europe (aujourd’hui FARaway – Festival des Arts à Reims). Elle affine sa connaissance du territoire grâce à des CDD dans diverses structures. En janvier 2019, lors de la prise de fonctions de la nouvelle directrice Chloé Dabert, elle est rappelée en renfort et occupe depuis le poste de chargée de la communication. “C’est par le prisme du théâtre que j’ai réalisé que la communication pourrait me plaire, le fait d’être au service d’une maison d’artistes, de faire en quelque sorte le lien entre le public, les artistes et le projet de la Direction.” Bonjour Chloë, quelle est selon vous la spécificité de la communication dans le secteur du spectacle vivant ? Pour le coup, je vais surtout parler du CDN. Le bâtiment reste toujours le même, mais à l’arrivée d’une nouvelle Direction, c’est comme si le lieu changeait. Les projets sont différents : ça passe d’abord par la programmation et, dans un second temps, par la communication. La communication de Chloé Dabert n’est pas celle de l’ancien directeur, Ludovic Lagarde, car on n’est pas du tout sur le même projet, les mêmes valeurs. Pour moi, la spécificité du spectacle vivant, c’est donc de s’adapter au projet et aux artistes amenés par la Direction. Dans le spectacle vivant, on doit aussi gérer deux types de communication : la communication “générique” (du projet global d’établissement) et la communication qui s’adapte en fonction des projets artistiques, des artistes qui passent par cette maison et que nous accompagnons. Quel est votre rôle et quelles sont vos missions ? Nous sommes deux, je suis chargée de communication et j’ai avec moi une attachée de communication. Je coordonne le service, je suis en lien permanent avec notre graphiste Julie Linotte, une prestataire extérieure – mais qui vit à Reims (une volonté de Chloé Dabert). Mes missions quotidiennes concernent surtout le print. En ce moment je suis essentiellement sur notre revue trimestrielle. L’objectif est de parler des spectacles du moment avec un angle accrocheur, qui ne soit pas simplement un résumé : coulisses de la création et du CDN, tête d’affiche, actions culturelles… Je m’occupe aussi de tout ce qui est affichage, actualités et communication institutionnelle.Je suis un peu la cheffe d’orchestre. J’échange avec la graphiste, je choisis et briefe les journalistes de la revue, tout cela en accord avec la Direction. J’établis leurs contrats, je les mets en lien avec les artistes. Les revues me prennent beaucoup de temps à l’année car c’est un gros travail de coordination entre artistes, journalistes et direction. Mais aucune journée ne se ressemble : aujourd’hui je suis sur la revue, demain je rencontre un artiste qui arrive ici en résidence, avec qui on va tourner une courte vidéo pour les réseaux sociaux ! Quels sont les temps forts de communication d’une saison à la Comédie – CDN de Reims ? Les productions sont les premiers temps forts car nous avons de grands enjeux. Les créations produites chez nous ont une communication beaucoup plus développée qu’un spectacle qu’on accueille. On a ensuite les temps forts du festival, par exemple le FARaway – Festival des Arts à Reims, une Collégiale, c’est beaucoup de spectacles. C’est particulier parce que le festival a sa propre identité graphique. Il y a d’ailleurs une personne responsable de la communication du festival au sein de la Comédie.Ensuite, à la Comédie, il y a les Samedis Comédie où l’on a une communication spécifique destinées aux familles. En juin, nous nous concentrons sur Intercal qui fait se rencontrer des artistes issus du théâtre, des arts visuels et du numérique pour questionner ensemble leurs disciplines. C’est aussi un grand temps fort avec une grosse campagne de communication. Quels sont vos trois outils de com essentiels ? La brochure de saison, qui est le gros morceau, qu’on attaque avant la fin de la saison précédente. C’est l’outil principal de la Comédie puisque le public y est particulièrement attaché : il les garde chez eux précieusement d’année en année. Et puis, c’est le premier document qui dévoile la saison. Ici, nous la dévoilons d’abord en print, et après sur le web. Nous avons ces fameuses revues trimestrielles dont je parlais. Enfin, il y a aussi les réseaux sociaux, surtout Instagram. Notre CDN étant un lieu de création, les spectacles ne sont pas encore finalisés. En dévoilant les coulisses de la création d’un spectacle, la régie, les costumes, etc. nous touchons un autre public, plus jeune. Un exemple de réussite dont vous êtes particulièrement fière ? La campagne qu’on a réalisée l’an dernier. La Comédie a été fermée toute l’année, on a fait un festival d’un mois et demi quand on a pu rouvrir. On a brainstormé pour le nom : la “Belle Saison”, avec l’idée de “revanche”, “se faire la belle”. D’habitude, on ne travaille que sur du graphisme, mais en rédigeant le brief pour ma graphiste Julie Linotte, je me suis dit que les gens avaient envie de voir des visages sans masque. Avec la graphiste et notre photographe Vincent VDH, on a imaginé ensemble une campagne photo avec des salariés de la Comédie, des spectateurs habitués, des partenaires, des élèves de la Classe de la Comédie, et on a fait une campagne photo où on a pris individuellement plusieurs…

Culture & Communication. Interview #5 : Jean-Baptiste Moreno, directeur adjoint & Yann Tran Lévêque, responsable de la communication des Plateaux Sauvages

Par Céline Allais

Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Cinquième entretien avec Jean-Baptiste Moreno et Yann Tran Lévêque, respectivement Directeur adjoint et Responsable de la communication des Plateaux Sauvages (direction : Laëtitia Guédon). Jean-Baptiste Moreno et Yann Tran Lévêque se définissent tous deux comme des “enfants de la démocratisation culturelle”. Le premier a fait du théâtre au lycée, au conservatoire et, d’aussi loin qu’il s’en souvienne, a toujours voulu travailler dans le théâtre. Il s’investit douze ans au Théâtre de la Commune, sous la direction de Didier Bezace, dans les relations publiques, la médiation, l’éducation artistique et culturelle et la programmation jeune public, puis deux ans au Théâtre des Quartiers d’Ivry en tant que responsable des relations avec les publics. Il rejoint Laëtitia Guédon pour l’accompagner sur l’appel à projet et la conception des Plateaux Sauvages et occupe, depuis la nomination de celle-ci par la Mairie de Paris en 2016, le poste de directeur adjoint. Le second est responsable de la communication des Plateaux Sauvages depuis deux ans. C’est sa passion pour la médiation et le théâtre, qu’il a commencé à l’âge de 5 ans, qui l’a conduit à des postes de communication. Auparavant, Yann a passé six ans en tant que chargé des projets culturels d’une ville de la banlieue de Perpignan. Il a également travaillé aux relations avec les publics de l’Odéon-Théâtre de l’Europe et en tant que responsable de communication et des relations avec les publics au Théâtre de Belleville à Paris. Bonjour Jean-Baptiste et Yann. Quelle est selon vous la spécificité de la communication dans le secteur du spectacle vivant ? Jean-Baptiste Moreno : Le projet des Plateaux Sauvages a ceci de spécifique qu’il est une fabrique artistique et culturelle. Il répond à la volonté de créer un lieu de résidence de création dans la capitale, un territoire avec majoritairement des lieux de diffusion. D’où cet appel à projet de la Ville de Paris, dans lequel Laëtitia Guédon s’est inscrite. Nous n’accueillons pratiquement jamais de spectacles en diffusion, mais des spectacles en création – qui se créent ici. Nous construisons donc une communication… pour un lieu qui se construit lui-même. Nous sommes le dernier établissement public parisien à devoir se fabriquer une identité. Notre communication repose sur notre projet artistique : créer et transmettre. Ainsi, nous nous sommes nommé·e·s “Les Plateaux Sauvages”, à partir de valeurs fortes et assumées : le métissage artistique, la “créolisation” (le mélange) des esthétiques et des publics, une attention particulière pour les textes contemporains, une pluridisciplinarité – même s’il y a une dominante théâtre. Il y a aussi le territoire : nous sommes implanté·e·s dans le 20e arrondissement. C’est ce lieu, cette maison d’artistes, qui crée ce croisement et finalement, cette inclusion. Ces termes : “artistique”, “inclusion”, “singularité”, fondent notre communication. Notre logotype renvoie à la métaphore de l’art comme miroir du monde, au temps de la création puisque c’est aussi un sablier, au “double X” du 20e, au fait d’être un lieu profondément indiscipliné. Notre activité est un grand iceberg, dont la partie la moins visible est la recherche artistique : prêter des espaces pour que des artistes puissent répéter, travailler. La partie visible, ce sont les rendez-vous publics : cette diffusion de leur travail fait partie de notre accompagnement. Tout l’enjeu est donc de trouver comment communiquer sur l’activité du lieu, sur des spectacles en train de se faire et la transmission artistique. Pour ce faire, nous avons fait le choix d’une communication très visuelle : donner à voir les artistes qui viennent aux Plateaux Sauvages, l’intimité de la création et la transmission artistique avec les publics. À la différence d’autres lieux, les artistes qui viennent chez nous n’ont pas encore de visuels de leur spectacle. Notre choix graphique s’est tourné vers des portraits photo des artistes de la saison, pris par Pauline Le Goff, photographe associée aux Plateaux Sauvages. Et puisque nous sommes une fabrique artistique, nous développons nos médias (photos, vidéos et bientôt podcast), en collaboration avec d’autres artistes. Ce qui donne une touche singulière à notre communication. Quels sont vos rôles et comment travaillez-vous ensemble sur la communication ? Jean-Baptiste Moreno : Quand Yann nous a rejoint·e·s il y a deux ans, la charte était déjà installée et il a contribué à la diffuser. Il a su asseoir, à partir de ce socle, un certain nombre de choses : le site internet et la newsletter qu’il a étoffés, un travail fin avec notre logiciel de billetterie, qui a permis le prolongement de cette communication visuelle. Yann a porté une vraie plus-value sur la valorisation du visuel dans notre communication. Nous réfléchissons actuellement à être plus précis sur le print et les réseaux sociaux. Un vrai chantier ! Yann conduit toute cette communication en lien avec la direction, l’équipe des relations avec les publics et de l’accueil, l’administration, la technique… en transversalité.  Yann Tran Levêque : J’encadre une équipe de communiquant·e·s en apprentissage et fais le lien avec l’ensemble des prestataires nous aidant à mettre en lumière la diversité de nos activités WEB/PRINT. De même, en lien avec le bureau de presse Elektronlibre, j’ai la responsabilité de notre visibilité auprès des journalistes. Grâce aux plans de communication adaptés à chaque projet en création dans notre fabrique artistique, nous travaillons main dans la main avec chaque artiste sur la communication de leurs résidences à partir d’un rétro-planning global peaufiné en début de saison.  Quels sont les temps forts de communication d’une saison aux Plateaux Sauvages ? Yann Tran Lévêque : Tout d’abord, c’est la phase de conception. Elle démarre dès janvier par la rencontre avec l’ensemble des artistes de la saison à venir que nous accompagnerons dans le cadre des résidences. Ces rencontres vont déterminer la conception de la saison, jusqu’au lancement de la communication début juin, ponctué par la livraison de la brochure et la mise à jour du site. Durant cette période, l’ensemble des séances photo est un temps fort. Nous créons pour cela un studio spécialement aménagé. C’est le moment le plus dense en termes de travail et…

Culture & Communication. Interview #4 : Carolyn Occelli, Secrétaire générale du Théâtre de Suresnes Jean Vilar

Par Céline Allais

Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Quatrième entretien avec Caroly Occelli, Secrétaire générale du Théâtre de Suresnes Jean Vilar (direction : Olivier Meyer). Née dans un petit village perdu au fin fond des Alpes, Carolyn Occelli a néanmoins été initiée très jeune au piano, à la cinéphilie et au spectacle vivant : sa mère n’hésitait pas à parcourir régulièrement les 70 kilomètres qui les séparaient du théâtre le plus proche ! Passionnée de danse classique, Carolyn tente le concours d’entrée du Ballet de Marseille… mais échoue. « Cette forme de deuil m’a fait comprendre que je n’avais pas le talent et les dispositions pour devenir une artiste mais que j’avais envie d’être au plus près des artistes, d’exercer un métier utile pour qu’ils rencontrent leurs publics ». Elle suit un cursus qui lui ménage les choix les plus larges (prépa, école supérieure de commerce), s’investit dans des associations artistiques et humanitaires, décroche des stages formateurs dans la musique et le cinéma. Après un début de carrière dans la société indépendante de production et distribution Haut et Court et une incursion de huit ans dans le monde des médias en tant que directrice des partenariats culturels du magazine À Nous Paris, elle est embauchée en tant que Secrétaire générale du Théâtre de Suresnes Jean Vilar par Olivier Meyer début 2019. Bonjour Carolyn. Quelle est selon toi la spécificité de communiquer dans le secteur du spectacle vivant ? Je pense que selon les structures, les enjeux et les moyens sont très différents. Par exemple, à Suresnes, nous ne présentons que de “petites séries” de 1 à 4 représentations. Notre communication doit donc s’adapter à cette programmation très séquencée.Pour moi, une chose essentielle, c’est que l’identité visuelle puisse représenter l’institution de manière homogène, alors même que celle-ci accueille des propositions artistiques très diverses et développe différentes activités (accueil, production, diffusion, actions culturelles…). Cela nécessite un travail de conception de l’identité visuelle au service de différents enjeux.Par ailleurs une digitalisation forte est évidemment en cours. Elle est importante à plein de points de vue : pour la fidélisation, le développement des publics, la notoriété. Ceci dit, les outils imprimés demeurent néanmoins essentiels : la brochure a une durée de vie longue, la plupart des spectateurs la conservent toute la saison. Pour ce qui est des plans médias, nous jonglons aussi entre le digital et les médias dits “traditionnels” (affichage, presse, radio…). Nous travaillons constamment en équilibre entre tradition et innovation. Nous testons sans cesse des choses, notamment dans le champ de la vidéo, utilisée depuis longtemps mais dont les formats sont renouvelés. Et nous nous lançons dans l’aventure du podcast. Une première série, produite avec Cult Media, sortira pour le lancement de la saison 2021-22. Elle raconte le Théâtre de Suresnes confronté à la crise sanitaire, et – nous l’espérons – la sortie de crise. Elle fait vivre les enjeux d’un théâtre de l’intérieur, sans oublier de revenir sur l’histoire spécifique de ce théâtre municipal, délégation de service public, riche de son passé comme de son présent. Quel est le rôle d’un·e secrétaire général·e par rapport à un·e dircom ? Au Théâtre de Suresnes, il y a un directeur et trois chefs de service : le directeur technique, l’administratrice et la secrétaire générale. Le Secrétariat général s’occupe de tout ce qui est tourné vers l’extérieur : la communication, les problématiques de relations aux publics (fidélisation et développement des publics, actions culturelles, billetterie, accueil). Pour mener à bien toutes ces missions, je suis épaulée par une chargée de communication, deux chargées de relations publiques, un responsable de billetterie, une chargée d’accueil et, six mois par an, un·e stagiaire com. Quels sont les temps forts de communication d’une saison au Théâtre de Suresnes Jean Vilar ? Nous avons deux lancements de saison. Nous révélons la programmation de la saison suivante début juin. C’est un moment très fort, partagé avec nos spectateurs fidèles lors de deux présentations en grande salle (lorsqu’il est permis d’accueillir du public) animées par notre directeur et des artistes. Le second lancement de saison a lieu en septembre, avant le démarrage de la saison. Il s’agit d’une relance, adressée notamment au public plus occasionnel, dans un objectif de développement des publics. À cette occasion, nous diffusons une brochure version poche par routeur mais aussi en dépôt dans de très nombreux lieux à Suresnes, mais aussi chez des partenaires : aux Amandiers, à la Maison de la Musique de Nanterre, à l’Avant-Seine de Colombes, etc. Pour soutenir ce lancement et le début de la saison, nous  faisons de l’affichage local et des campagnes presse et digitales. Notre troisième temps fort, c’est Suresnes Cités Danse, festival emblématique des danses urbaines et notamment du hip hop créé par Olivier Meyer, qui a lieu en janvier-février. Nous fêterons sa 30e édition en 2022 !  Suresnes Cités Danse a une puissance de rayonnement tant auprès du public que des médias et des professionnels. C’est un enjeu de communication très important, pour lequel il faut  trouver un équilibre entre l’autonomie du Festival et son inscription dans le projet global du Théâtre. Quels sont vos trois outils de com essentiels ? En premier, le site internet : c’est l’outil le plus à jour, accessible 24h/24, par tous…Ensuite, la version poche de la brochure (la version “luxe” est pour les spectateurs fidèles) d’un format pratique (10×15).Pour le troisième, j’hésite entre les affiches et les réseaux sociaux. À vrai dire, tout est important ! Pour être cohérente avec les temps forts cités plus haut, je pourrais également citer le programme Suresnes Cité Danse ! Un exemple de réussite dont tu es particulièrement fière ? Le site internet. Nous avons opéré une refonte globale l’année dernière, avec l’agence Ligne13. Nos objectifs : gagner en simplicité et en clarté, avec notamment un accès visible et rapide aux réservations. Je pense qu’on a réussi ! Trois mots clés pour qualifier votre com ? #elegance #photographie #territoire Un mot optimiste de fin ? Cette période nous aura…

Culture & Communication. Interview #3 : Audiane Plagiau, directrice de la Communication du CDN Nanterre-Amandiers

Par Céline Allais

Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Troisième entretien avec Audiane Plagiau, directrice de la communication du Centre Dramatique National Nanterre-Amandiers (direction : Christophe Rauck). Audiane Plagiau a toujours eu le goût des lettres. Après une prépa littéraire et ce qu’on appelait à l’époque une “maîtrise” d’anglais à la Sorbonne, elle décide, “par goût et par curiosité” de s’orienter vers la culture. Avant d’intégrer le DESS Développement culturel européen de Lille, elle travaille durant un an au Théâtre Dunois, alors dédié à l’enfance et la jeunesse, où elle “touche à tous les corps de métiers” : accueil, communication, relations presse… En DESS, elle enrichit ses connaissances techniques et juridiques sur la gestion d’une entreprise culturelle. Et surtout, elle postule, pour son stage obligatoire, au Festival d’Automne à Paris où elle est prise à la communication. Au carrefour des lieux et des acteurs du secteur en Île-de-France, elle y découvre sa vocation. Un an plus tard, le Théâtre de Chaillot l’appelle pour un remplacement. Entrée en tant qu’assistante, elle en ressortira 11 ans plus tard responsable du service. En 2017, “désireuse de prendre part aux grandes décisions stratégiques”, elle entame un nouveau chapitre de sa carrière en devenant directrice de la communication du Théâtre Nanterre-Amandiers, sous la direction de Philippe Quesne. Bonjour Audiane. Quelle est selon vous la spécificité de communiquer dans le secteur du spectacle vivant ? En fait, je n’ai toujours communiqué que pour du spectacle vivant et j’ai fait une formation plus culturelle que communication. Je dirais que ce qui me plaît dans mon métier, c’est l’alliance de la langue – travailler avec la langue française, trouver la formule percutante, rédiger le texte qui donne envie – et du visuel – de la photo ou du graphisme. Ce sont deux choses que, moi-même, j’aime bien trafiquer et la culture me semble un formidable endroit pour rassembler ces deux intérêts, peut-être plus qu’une entreprise “classique”. Il faut dire qu’on est extrêmement bien servis : les textes et les photos sont séduisants, on peut se faire plaisir, c’est l’endroit idéal pour “s’éclater”. D’ailleurs, souvent les graphistes de grosses agences habitués au CAC40 ont envie de travailler sur des projets culturels, même s’ils savent que ça ne va pas leur rapporter beaucoup. C’est une bouffée d’air pour les directeurs artistiques ! Quel est votre rôle en tant que directrice de la communication, un poste qui n’existe pas forcément dans toutes les structures ? Souvent dans les théâtres, il existe ce poste de secrétaire général, sorte de bras droit traditionnel du directeur, qui rassemble la communication, les relations extérieures – dont les relations avec le public. Au théâtre Nanterre-Amandiers, le directeur, Philippe Quesne, qui vient de partir, était à la fois artiste et assez avant-gardiste sur la communication : il préférait avoir un directeur de la communication et un directeur des publics. Ça a été une chance pour moi. Comme les autres directeurs, je fais partie des réunions de direction, de toutes les grandes décisions de la maison tout au long de l’année, tout en étant, en même temps, “les mains dans le cambouis”, avec la mise en place du plan de communication, la rédaction de textes, les relations partenaires… C’est un bon compromis entre le management (j’encadre deux CDI et un·e stagiaire pendant 6-8 mois) et l’opérationnel, assez rare, peut-être aussi parce que la taille le permet. Je ne sais pas quelle sera la ligne de la nouvelle direction (Christophe Rauck), il faudra s’en reparler dans un an ! Quels sont les temps forts de communication d’une saison aux Amandiers ? Un peu comme tout le monde, il y a le lancement de la saison : avec la brochure de saison (pour l’instant toujours indémodable), de l’affichage et une présence dans les médias, à peu près au moins de juin, avec une piqûre de rappel en septembre. On imprime un peu moins de brochures papier chaque année, mais on en fait toujours. Sur cette saison, entre les incertitudes et les possibles annulations, je ne suis pas sûre que le papier tienne le coup, mais à voir. C’est un peu tôt car, en général, on finit au mois de mars, donc c’est à ce moment qu’on se posera sérieusement la question de l’utilité ou non de sortir une brochure en juin.  Sinon, traditionnellement, on ré-affiche la saison en janvier. On peut dire que c’est notre deuxième temps fort. On se débrouille aussi pour être présents dans les médias qui sortent leur fameuse “rentrée de scène”.Et notre troisième temps fort, c’est le Festival d’Avignon au mois de juillet. On communique peut-être davantage vers les professionnels que le grand public, quoique… : on achète beaucoup d’espaces publicitaires dans les journaux et les numéros spéciaux Avignon, avec une forte présence sur place (distribution de flyers…)Pour le reste, ça dépend des années. Depuis que je suis au Théâtre Nanterre-Amandiers, chaque saison, nous avons eu un gros événement, comme le festival autour de mai 68 en 2018 ou la grande exposition sur Jean-Luc Godard il y a deux ans. Là, avec les circonstances, on ne fait plus que du coup par coup. Quels sont vos trois outils de com essentiels ? En premier, la brochure, qui est vraiment le nerf de la guerre, notre outil de base, dans lequel tout le monde va piocher de l’information. Mes deux collègues du service et moi récoltons l’information, nous relisons les textes écrits par des rédacteurs et faisons le lien avec les graphistes, jusqu’à la validation finale (la brochure est corrigée in fine par une correctrice).Ensuite, le site Internet que nous avons refait en 2019 : nous avons travaillé sa structure, la maquette a été faite par nos graphistes et le site a été développé par un développeur freelance. Il était très approprié au projet de Philippe Quesne, il va peut-être un peu changer avec Christophe Rauck car il est important qu’il reflète le projet du directeur.Enfin, ex-aequo car complémentaires : les réseaux sociaux avec leurs retombées immédiates,…

Culture & Communication. Interview #2 : Amandine Ligen, responsable de la Communication et du Mécénat, IAC de Villeurbanne (69)

Par Céline Allais

Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Deuxième entretien avec Amandine Ligen, responsable Communication et Mécénat de l’IAC Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne (69) (direction Nathalie Ergino). Après des études de droit et Sciences Po Paris, dans l’optique de passer des concours administratifs, Amandine Ligen se tourne finalement vers la culture, par goût personnel et, “peut-être, un certain atavisme familial”. Elle débute son parcours professionnel en ingénierie de projets, stratégique (développement culturel du Grand Paris, du quartier de la Défense…) et opérationnelle : “il n’y avait pas de contradiction avec mon désir initial, puisque la culture est un service public.” Elle quitte quelques années plus tard Paris pour s’installer à Lyon. Elle intègre rapidement, en 2017, l’IAC de Villeurbanne, sous la direction de Nathalie Ergino, en tant que responsable Communication et Mécénat. Bonjour Amandine. Quelle est selon toi la spécificité de la communication dans le secteur culturel et plus particulièrement de l’art contemporain ? Pour les arts plastiques, en tout cas à l’IAC, la difficulté est d’accompagner tous les projets en respectant l’univers, le parti pris des artistes. Il est important pour nous de ne pas dévoyer leur propos au service de notre communication. Tout l’art est donc de trouver l’équilibre, le point de jonction et la cohérence entre nos enjeux en tant que lieu culturel et une proposition artistique. La communication est un service support, elle doit se mettre “au service de”, ne pas “communiquer pour communiquer”, ce qui n’est pas toujours évident dans un monde où elle a pris tant de place. À partir de là, notre façon de communiquer va être différente selon qu’il s’agit d’une exposition collective, d’une monographie, d’un projet dans un temps long ou plus court, et en fonction des artistes : certains jeunes maîtrisent très bien les réseaux sociaux, d’autres y vont à reculons… Nous nous adaptons sans cesse. C’est, je crois, notre spécificité et sans doute celle de la communication culturelle en générale. Quels sont les temps forts de communication d’une saison – si vous en avez une – à l’IAC ? Oui, on peut dire qu’on a une saison, même si on ne l’appelle pas ainsi et qu’elle n’est pas calquée sur une saison théâtrale par exemple. En moyenne, nous avons trois expositions par an et un temps fort “Ex Situ” (hors les murs) – puisque nous sommes un centre d’art et aussi un Frac (fonds régional d’art contemporain) avec une collection qui “voyage” chez différents partenaires, en France et à l’étranger. Donc les temps forts de communication sont l’accompagnement de ces différents projets, auxquels s’ajoutent deux autres temps dans l’année : les stations du “Laboratoire Espace Cerveau”, une plateforme de recherche qui croise art et sciences et autres disciplines.Et à côté, nous avons tout ce qui concerne les activités “de fond” pour les publics, les éditions, les activités des Amis de l’IAC qui nécessite une communication plus institutionnelle. Quels sont tes trois outils de com essentiels ? En premier, ça reste le print. Ça va peut-être changer, pour s’adapter à de nouveaux usages et à la montée en puissance des outils numériques. Mais pour l’instant, nous gardons cette communication papier. Le carton d’invitation est un objet unique, une trace physique que l’on conçoit comme un prolongement de l’exposition. Certains visiteurs “fans” font la collection depuis très longtemps. Nous sommes aussi l’un des rares centres d’art à publier un programme papier, un gros document assez unique qui donne la programmation de l’année. Ensuite, la newsletter est assez déterminante. Mensuelle, elle est avant tout conçue pour le grand public, mais inclut les pros aussi. Nous réfléchissons à une news spéciale enseignant·e·s pour les actions culturelles en direction des scolaires.Enfin, nous essayons de nous perfectionner sur Instagram qui devient un canal très important dans notre secteur, pour sa dimension visuelle. Il y a  eu une surenchère, lors du premier confinement qui nous a tous sidérés, c’était comme une fenêtre sur l’extérieur alors que nos lieux étaient fermés et que l’appétit de culture était là. Nous y sommes entrés un peu à marche forcée, et nous allons progresser car on sent le besoin d’y être présent, alors que notre fermeture s’éternise. Un exemple de réussite dont tu es particulièrement fière ? Le dispositif de communication mis en place en 2018 pour les 40 ans de l’IAC. L’enjeu était d’inscrire le lieu dans une histoire  et une mémoire (40 ans, ce n’est pas tout jeune) tout en restant ancré dans la création contemporaine. Pour exprimer cette idée, nous avons (ré)édité une création graphique de Laurent Weiner, artiste “historique” de l’Institut, qui a servi d’affiche, avec un message basé sur jeu typographique très inclusif, très actuel. Nous avons eu d’excellents retours, des retombées médias. Et l’affiche s’est très bien vendue ! Trois mots clés pour qualifier votre communication ? Plutôt que des mots-clés, je dirais : #auservicede – au service des recherches, des explorations, des expériences menées par les artistes. Et ce n’est #jamaislamêmechose ! Un mot optimiste pour finir ? L’IAC travaille depuis longtemps avec des artistes qui s’intéressent aux questions de l’Anthropocène, à l’impact de l’homme sur Terre, etc. Sur le plan artistique, je crois que ce moment de crise, ce temps qui paraît “suspendu” ne sera pas stérile pour les artistes, mais qu’il sera un temps d’approfondissement, de création encore plus foisonnant, voire d’inspiration pour aller vers d’autres territoires. Ils et elles sont en quelque sorte nos guides, des défricheurs, des décrypteurs du monde et ce sera intéressant de voir où ils vont nous embarquer. En termes de communication, la crise actuelle nous donne de nouvelles envies, celles de développer de nouvelles pratiques : le champ des possibles est incroyable pour faire vivre des expositions à distance, inventer d’autres façons d’aller vers le(s) public(s), vers l’Autre – même si, bien sûr, rien ne remplacera le contact physique et la matérialité d’une oeuvre. Et surtout, qu’est-ce qu’on va être contents de se retrouver lorsque nous pourrons ouvrir à nouveau ! Photo d’Amandine Ligen devant l’œuvre d’Amélie Giacomini et…

Vidéodanse : le regard de Clotilde Amprimoz (ChoréActif)

Par Céline Allais

L’art chorégraphique a toujours entretenu un rapport étroit avec la vidéo. Il se propage et se partage aujourd’hui sur nos écrans, donnant à la danse une nouvelle visibilité. Loin d’être une “simple” captation d’une performance, la vidéodanse est une forme artistique à part entière, tout comme le “Tanztheater” (danse-théâtre) n’est pas du théâtre dansé ou de la danse théâtralisée. Overjoyed accompagne certain·e·s de ses représentant·e·s et partage avec vous leur regard sur cet art en plein renouveau. Rencontre avec Clotilde Amprimoz, pionnière dans la discipline : artiste audiovisuelle, réalisatrice, directrice artistique, elle a fondé il y a dix ans l’association ChoréACtif, basée à Clermont-Ferrand (63), qui développe nombre de projets interdisciplinaires mêlant danse et cinéma. La danse, Clotilde est tombée dedans quand elle était petite : classique, jazz, contemporain…  jusqu’à une blessure qui la fait passer de pratiquante à spectatrice. Étudiante à Paris en Histoire et Histoire de l’art, elle se met à fréquenter assidûment, passionnément les salles de spectacle et décide de se réorienter dans un cursus universitaire de danse à Paris 8. Elle décroche un stage puis des missions régulières au Centre National de la Danse (CND) et, de rencontres en projets, s’essaie à la vidéo. Le début d’un parcours pluri et transdisciplinaire, mêlant intimement danse et vidéo, documentaire et poésie, recherche et engagement. Bonjour Clotilde, comment as-tu découvert la vidéodanse ? Entre ma pratique personnelle, mes études et mes missions au CND, j’étais immergée dans le milieu de la danse. Grâce à ma bourse d’études, je me suis équipée d’une caméra et j’ai commencé à filmer les amis danseurs qui m’entouraient. Mon cursus final à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) a nourri un regard quasi-ethnographique. J’ai réalisé un premier documentaire sur la danse et la musique particulières de Tsiganes d’Edirne (Turquie), puis obtenu quelques commandes, notamment pour le Musée national de l’histoire de l’immigration, autour de la danse et l’immigration. De tournages en festivals, j’ai participé à la première édition du festival de vidéodanse de Bourgogne, à la dimension déjà internationale, en 2010. J’ai alors découvert un réseau de réalisateur·rice·s et danseur·se·s intéressé·e·s par ce lien entre image et danse, avec qui j’ai gardé des liens. D’une part, ma sélection dans des projets européens/internationaux a conforté mon goût pour la découverte de l’ailleurs et élargi mon réseau international ; d’autre part les projets artistiques ou spectacles vivants résolument territoriaux portés par ChoréACtif sont très importants pour moi pour travailler in situ avec les personnes et les lieux que je fréquente au quotidien, pour “prendre racines”. Qu’est-ce qui t’attire particulièrement dans la vidéodanse ? J’ai été très influencée par le cinéma burlesque, j’ai d’ailleurs fait un mémoire sur Playtime de Jacques Tati, cette danse du quotidien, cette esthétique à la fois très exigeante et légère. J’aime également les artistes tels Lloyd Newson (DV8 physical theater), engagé socialement, qui s’intéresse aux « invisibles ». À Clermont-Ferrand, où j’ai choisi de m’implanter pour travailler le local, le territoire est urbain mais aussi très rural. J’ai à cœur de valoriser les métiers, la mémoire individuelle et collective, cette dimension patrimoniale immatérielle qui doit se transmettre. C’est peut-être justement pour garder une trace de cet éphémère, mais aussi l’interpréter différemment, que j’aime la vidéodanse. Le cinéma a un pouvoir sur l’imaginaire, une charge émotionnelle sur le public : inconsciemment, par l’image, on peut rendre accessible ce qui est prétendument inaccessible – comme la danse, réputée “pour les spécialistes”. Au départ, ce n’était pas volontaire : j’avais cet outil magique qui me permettait de la rendre moins éphémère, de donner un regard et une interprétation d’un spectacle ou d’une personnalité. Les premiers spectacles que j’ai filmés, je voulais tout montrer, tous les détails ! J’ai appris au fur et à mesure, instinctivement, grâce aussi à mon bagage culturel (histoire de l’art). Aujourd’hui, après avoir vu un spectacle et cerné son propos, j’essaie de saisir ce qui est important à mettre en lumière, et ça oriente ma façon de filmer : choix de plans de coupe particuliers, un détail, des regards entre les interprètes, une respiration… Tout ce qui va donner du sens pour la lecture du spectacle. Le montage est très important également. Qu’est-ce qui différencie, selon toi, une vidéodanse d’un clip ?  J’ai l’impression qu’actuellement, la danse est un peu un outil esthétique, utilisé pour rendre “jolies” une scène, une musique… Pour moi, une vidéodanse, c’est avant tout un regard artistique, humain, subjectif, sur un sujet ou sur un spectacle. C’est donner son interprétation et sa vision, c’est s’engager et prendre des risques artistiquement. J’essaie de mettre en valeur des sujets sociaux qui m’interpellent ou des œuvres, et l’humain derrière tout ça. Et de choisir la meilleure façon de “raconter” cette histoire, même si ce n’est pas forcément narratif. Ce qui m’importe, c’est le fond, et la forme doit exprimer au mieux ce fond, et rester complètement libre et personnelle à chacun. Quelles sont tes influences et inspirations, en vidéodanse ou dans d’autres domaines ? Outre Tati et DV8 que j’ai déjà cités : Peter Greenaway, Akram Khan, Meg Stuart, les ballets C de la B, l’art populaire et les arts premiers ; le Decouflé des débuts : cette chorégraphie par le visuel, m’a influencée, tout comme la danse in situ de Julie Desprairies ou d’autres chorégraphes ; j’aimerais collaborer avec un réalisateur hongkongais, Maurice Lai, que j’ai rencontré en 2010. Pour résumer, le ludique-poétique du cinéma burlesque ou Decouflé, le social qui touche l’âme dans des documentaires de création de Johann Van der Keuken, Alain Cavalier ou Nicolas Philibert. Puis viennent nourrir tout ça les arts dans l’espace public, l’urbanisme, l’anthropologie, les recherches sur le corps en lien à son environnement, les connexions entre tous ces domaines. Quel regard portes-tu sur l’explosion de la vidéo comme mode de diffusion de la danse aujourd’hui ?  Je suis très contente que les gens soient sensibles à cette forme d’art. Mais comme pour tout effet de mode, je m’en méfie aussi un peu, parce que, si ça peut faire émerger des talents,…

Culture & Communication. Interview #1 : Laura Mary, responsable de la Communication et des Relations avec le public, Ecam (94)

Par Céline Allais

Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Premier entretien avec Laura Mary, responsable de la Communication et des Relations avec le public à l’Ecam (Espace Culturel André Malraux) – Théâtre du Kremlin-Bicêtre (direction Claire Bourdier). Laura Mary a grandi dans une famille où le cinéma, la littérature et la culture en général occupent une place très importante. C’est tout naturellement qu’elle se dirige vers des études culturelles : licence en arts du spectacle option conception de projet culturel, puis master en médiation culturelle. À l’université, elle découvre le spectacle vivant. Coup de foudre. Après une première expérience dans une agence de communication parisienne spécialisée dans les relations médias web pour le spectacle vivant, elle rejoint, fin 2017, l’Ecam, alors dirigé par Christine Godart, en tant que chargée de communication et des relations avec le public. À l’arrivée de Claire Bourdier, nouvelle directrice, en septembre 2018, Laura prend la responsabilité du service et renouvelle l’image et la communication du lieu à la suite de Marie-Hélène Saez. Bonjour Laura. Quelle est selon toi la spécificité de communiquer dans le secteur du spectacle vivant ? Lorsque j’étais en agence, nous devions élaborer les stratégies web de spectacles et d’artistes en étant les plus créatifs possible. Cette expérience a influencé ma conception de la communication.L’enjeu pour le spectacle vivant, surtout en passant du privé au public, c’est d’arriver à exister avec très peu de moyens, des budgets largement inférieurs à ceux qui se pratiquent dans d’autres secteurs, pour un impact attendu similaire. Nous sommes un petit lieu en termes de subventions, le web pour nous a donc d’autant plus d’importance car il est peu coûteux.Par ailleurs, nous évoluons dans un univers très concurrentiel : le public doit gérer une masse d’informations et un choix considérables en Île-de-France où il existe quasiment un théâtre par ville ! Il est donc difficile mais nécessaire de se singulariser dans sa programmation et sa communication. Quels sont les temps forts de communication d’une saison à l’Ecam ? Le grand temps fort, c’est bien sûr la préparation du programme de saison. Le défi, c’est de se projeter à partir du brief de la direction, de comprendre puis traduire en textes et transcrire aux graphistes les choix de programmation, ce vers quoi Claire veut emmener l’Ecam. Ce travail commence dès janvier-février, un moment très important où le service com est en lien étroit avec la direction, pour une sortie du programme en juin, avec une intensification au fil du temps. Cet objet, qui donne le ton de toute la saison, mobilise encore beaucoup de lieux. Nous ne pouvons pas encore nous en passer, même si la crise va probablement modifier les choses.Cette année est par ailleurs spécifique : nous sommes à l’Ecam dans une phase où plusieurs chantiers avaient été amorcés pour faire évoluer la structure, qui se sont accélérés du fait de la crise. Nous menions déjà une réflexion sur notre site, qui s’est révélé inadéquat pour communiquer ou proposer des formats innovants durant le confinement. Nous avons donc renforcé nos réseaux sociaux, laissé un peu de côté le print… La période nous a poussés à dresser un bilan un peu sévère de notre réponse numérique en temps de crise. Quels sont tes trois outils de com essentiels ? D’habitude, et c’est une grosse différence, lorsque nous avons un événement ou un artiste à défendre, nous utilisons l’affichage, le flyer – dont l’impact peut être déterminant. En ce moment, nous utilisons plus le numérique pour converser, rassurer et garder un contact avec le public : les réseaux sociaux et le mailing au public, pour pallier les manques du site. Et le téléphone reste une valeur sûre pour rentrer et rester en contact avec tous nos partenaires. Un exemple de réussite dont tu es particulièrement fière ? Notre changement d’identité, pensé dès juillet 2018, a été un gros projet et une grande réussite. L’Ecam avait trop souvent changé d’image. Nous avions envie de véhiculer un message simple et fort : un lieu engagé, jeune, plein d’idées et où il se passe plein de choses. Avec une identité reconnaissable, moderne et durable, tranchant avec ce qui s’était fait avant, pour attiser la curiosité : des couleurs franches, une typo BD – qui représente beaucoup Claire, fruit de sa génération des années 80, et ses choix de développement du public famille –, des symboles forts (un bras féminin, des poings levés…). Nous avons travaillé avec le studio Les Jumelles, choisi parmi plus de 80 candidats à notre appel d’offres. L’impact est réel : nous avons énormément de retours positifs, de spectateurs, d’institutionnels… Nous sommes remarqués lorsque nous intervenons dans des forums d’associations. Et notre public change également, plus jeune, plus familial. Trois mots clés pour qualifier votre com ? #décalée #engagée #pop Un mot optimiste de fin ? Je suis de nature plutôt optimiste et j’ai la chance de travailler avec une équipe dynamique et créative ! Je profite de cette période pour faire de la veille (ce que je n’ai jamais le temps de faire), aller plus loin dans mes réflexions et trouver des solutions. C’est presque une chance pour une jeune travailleuse comme moi. C’est le moment d’apporter ma pierre à l’édifice, d’investir le numérique, d’essayer d’innover grâce à l’écoute de Claire. Au-delà de la gravité de la situation, dans ce métier, on n’a pas le temps de s’ennuyer ! ★ ecam-lekremlinbicetre.com

L’été de tous les projets – épisode #3 : Élodie Allary, danseuse

Par Coralie Berquer

Pendant l’été, après une période pour le moins complexe, Overjoyed a recueilli les témoignages de tout jeunes artistes du réseau des membres du collectif partout en France. Comment se remettent-ils en action, en mouvement, après des mois de pause forcée ? Comment garder le cap en début de carrière quand l’horizon reste incertain ? Troisième épisode avec Élodie Allary, danseuse. « Alors que j’avais l’habitude de voyager tout le temps, le confinement a marqué un retour prolongé à la maison. Drôle d’effet. Je décide de garder un rythme d’exercices quotidiens en m’entraînant en ligne : la barre classique, un travail plus profond avec des compagnies du monde entier, hollandaises, anglaises, américaines, françaises. Des approche différentes, qui me mettent à l’écoute de mon corps. Mais, enfermée entre quatre murs, sans balcon ni jardin, mes mouvements se rétrécissent de plus en plus, jusqu’à devenir des gestes « à demi dansés », mon corps se met en quelque sorte en hibernation, attendant le jour du réveil. Lors du déconfinement, l’avenir étant incertain, je me forme à la photographie et à la vidéo et je réalise mon premier montage l’Étreinte de mes pointes, sur tous ces gestes, précis, techniques, presque rituels, qui unissent une danseuse à ses chaussons. Au même moment, la compagnie Révolution, à Bordeaux, m’appelle pour une audition avec une éventuelle résidence de création pour cet été : Uppercut (Anthony Egea). Je prends part à ce projet avec un physique « limité », tout en étant libérée des contraintes spatiales. Je peux enfin laisser ma danse s’exprimer et respirer. C’est dans cette contradiction que la création commence, avec de vrais défis car j’aborde un langage chorégraphique nouveau pour moi : le hip-hop et le break ! Des semaines de courbatures ! Aujourd’hui, ces expériences changent mon approche du mouvement, nourrissent ma créativité, m’alimentent en idées. Me voici de nouveau sur la route, la magie de la scène opère toujours et l’avenir est une page vierge sur laquelle tout ce à quoi je n’avais pas encore pensé reste à écrire ! » Pour suivre Élodie sur InstagramPhotos : Laurent Duy, Emma Derrier

L’été de tous les projets – épisode #2 : Mélissa Charles, comédienne

Par Coralie Berquer

Pendant l’été, après une période pour le moins complexe, Overjoyed vous propose de découvrir de jeunes artistes du réseau des membres du collectif. Comment se remettent-ils en action, en mouvement, après des mois de pause imposée ? Comment garder le cap quand l’horizon reste incertain ? Deuxième épisode avec Mélissa Charles, comédienne (Compagnie Katrinesk). Overjoyed souhaite valoriser les talents émergents qui font bouger la scène d’aujourd’hui et de demain. « Avant le confinement, nous étions en pleine reprise de notre pièce-collage des œuvres de Jean Genet. Trois représentations avaient déjà eu lieu et nous avions fait d’importantes modifications. La dynamique était alors très forte : les mêmes personnages, un cadre différent, un nouveau texte et beaucoup de passages se prêtant à la danse et au cirque ont été ajoutés. Il ne nous restait qu’à « plancher ». Puis est arrivée l’annonce du confinement le 17 mars dernier. Les quelques mois qui ont suivi ont été l’occasion d’établir une relation très privilégiée et exclusive avec mon personnage (Persephess – Claire et Solange Les Bonnes). L’idée était de se concentrer un maximum sur le travail du corps. Travailler avec plus de profondeur et de minutie le « corpo » du personnage (gestuelle, tenue), la voix (timbre, intonations, chant) et améliorer les capacités physiques (cardio, danse, musculation) en étroite collaboration avec la mise en scène (Lyse Breton) via des échanges vidéo enregistrés ou en direct. À la sortie du confinement, le personnage est prêt, gonflé à bloc. L’envie de jouer (donc avec les autres) est forte, intenable. Mais les gestes-barrières font que nous ne pouvons nous retrouver physiquement. Alors, nous utilisons d’autres moyens : enregistrements sonores, répétitions vidéos, appels… Cette manière de travailler le texte est inspirante et permet de trouver de nouveaux axes, de nouvelles pistes de jeu. Mais elle a aussi une durée limitée car elle permet rarement d’atteindre un certain jeu, celui qui pour moi est sensitif, animal, instinctif. Quand ce n’est plus seulement un texte qui sort d’une bouche. Quand ce sont des mots qui vibrent, car soufflés par deux corps qui échangent, communient. Quand ils prennent vie par un silence, par un frisson, par un regard, par une main sur l’épaule… Difficilement faisable par un appel skype ! Alors, en attendant de lâcher le fauve, je reste prête, dans les starting blocks et j’affûte l’âme et rasoirs, comme tout bon Katrinesk qui se respecte. » Pour suivre Mélissa sur InstagramPhotos : Quentin Dufournet