Culture & Communication. Interview #16 : Ronan Ynard, secrétaire général du Théâtre du Nord
Chaque mois, nous allons à la rencontre des dirigeant·e·s et communicant·e·s du secteur pour partager leurs visions du métier, leurs bonnes pratiques et leurs motivations. En juillet, c’est sous le soleil d’Avignon et dans les heures encore calmes d’une édition anticipée par les JO 2024, que nous avons (enfin) rencontré Ronan Ynard, secrétaire général du Théâtre du Nord, CDN Lille / Tourcoing / Hauts-de-France (et oui, aussi « Ronan au Théâtre », premier YouTubeur du genre). Et ça valait le coup d’attendre. Un émoji pour commencer ? Un cœur jaune 💛 C’est la couleur de ma chaîne YouTube, ça symbolise l’amour et le soleil dedans, il m’accompagne malgré les changements. Peux-tu nous raconter le parcours qui t’a mené jusqu’au spectacle vivant ? Tout a commencé par une pratique du théâtre amateur de 7 à 18 ans dans différentes associations et une fascination pour le théâtre de boulevard. À l’époque, je ne suis pas au courant qu’il y a d’autres genres de théâtre. Je m’oriente vers un DUT Génie Biologique parce que je ne pense pas qu’il est possible d’en faire un métier, qu’il y a d’autres compétences autour des comédiens. Mais rapidement, je me dis que je ne peux pas rester dans cette voie. J’arrive aux Journées Portes Ouvertes de la Sorbonne Nouvelle et malgré mon peu de culture de spectateur (je n’avais vu que deux pièces de Laurent Ruquier) je m’inscris et je suis pris en études théâtrales. Je me souviens qu’ils nous envoient voir des spectacles comme Le chagrin des ogres de Fabrice Murgia et un monde s’ouvre à moi. Les comédiens ont des micros, il y a une adresse au public, ce n’est pas narratif et, à l’époque, c’est le choc. Je suis avec des étudiant·es en théâtre qui critiquent déjà la pièce alors que pour moi, tout est nouveau et je décide de rattraper mon retard. Je fais tout le Festival d’Automne, je découvre Angélica Liddell, Romeo Castellucci… ©Jean-Louis Fernandez Le déclic pour la communication est arrivé seulement en 2015 en fin de master. Je travaillais à la billetterie et je ne comprenais pas pourquoi l’Odéon avait un public de quartier alors qu’on était dans un Théâtre National et pourquoi il n’y avait aucun jeune dans les spectacles de Luc Bondy. En parallèle, c’est l’avènement des YouTubeurs et on commence à en parler à la télé. EnjoyPhœnix devient mon modèle avec son concept de vlog quotidien. En moi germe l’idée que je pourrais faire tout ça, mais dans le théâtre : j’achète des billets, je vais au spectacle, aux soirées, il y a quelque chose à raconter. Je fais plusieurs essais sur des vidéos où je commente les billets achetés pour la saison (Haul) et je lance la chaîne. C’est cette démarche qui m’a amené à réfléchir aux stratégies de communication dans les lieux avant de devenir chef de pub chez Sylvie Aubert communication. J’ai beaucoup appris mais je n’ai pas aimé l’univers de l’agence car j’étais frustré de ne pas travailler dans un théâtre, de ne pas participer aux répétitions, ça me manquait. C’est à ce moment que la Scala a ouvert, j’ai rejoint l’équipe sur le numérique puis je suis devenu responsable communication. Je rencontre des gens qui me font confiance à un moment où beaucoup ne savent pas comment le numérique fonctionne. Moi, je suis curieux et, grâce à YouTube, sur la base des outils existants, je me forme et me nourris des contenus proposés pour essayer de comprendre, je trouve ça fascinant. J’expérimente les codes marketing qui se développent dans le secteur privé et sont hyper puissants et je suis sûr qu’on peut faire pareil dans un but non lucratif. Pourtant certains théâtres ne veulent pas utiliser les ciblages par typologie de public par principe mais, à mon sens, si les outils permettent aux publics de venir se cultiver il ne faut pas en avoir peur et surtout il ne faut pas disparaître des réseaux sociaux. David Bobée, lui, ne connaissait pas mes compétences en communication, il m’a recruté par rapport à ma chaîne YouTube et en faisant le pari de ma capacité à apprendre très vite. Il m’a dit ensuite : « Je ne savais pas que tu savais autant travailler » : heureusement ! Comment s’organise ton travail aujourd’hui au Théâtre du Nord ? Il y a d’abord eu beaucoup de ressources humaines car le pôle communication n’avait pas de responsable. J’ai donc commencé avec une secrétaire en communication et un webmaster qui est parti assez rapidement. J’ai ensuite recruté un attaché à la création des contenus et aux réseaux sociaux car je n’avais plus le temps de faire la technique. On a aussi une graphiste freelance. Côté stratégie, avec David Bobée, on s’accorde sur la brochure, sur un ton et le visuel de saison. On a développé un vocabulaire commun que j’ai vite compris, on parle « la même langue ». La communication du Théâtre du Nord est très positive. On a un projet très militant, mais qui ne se traduit pas de manière frontale dans la communication. C’est un lieu accessible à tous, pour le grand public et on laisse les œuvres faire le travail militant. Ce qui est intéressant, c’est de faire venir une diversité de publics et d’opinions. Pour cela, nous essayons d’être le plus lisible possible, dynamique, concret, et surtout pas conceptuel, pour qu’ils puissent se projeter. Je n’ai aucun problème à reprendre des codes populaires et commerciaux du théâtre privé qui joue sur « les noms » des auteurs ou des acteurs ou sur des verbatims presse. Pour moi, ce n’est pas honteux, car on a besoin de rassurer le public et de lui faire savoir que c’est le meilleur spectacle. C’est ce que nous avons fait pour Dom Juan de David Bobée à Tourcoing et ça a fonctionné. Je fais beaucoup de campagnes digitales ciblées (mailing et réseaux sociaux) et je travaille « en cercles ». Par exemple, pour le lancement de saison, je me concentre sur le public affinitaire, je lance une campagne avec peu de budget, auprès d’un public qui assure un « fond de salle » qui a ses…