Chaque mois, nous allons à la rencontre des dirigeant·e·s et communicant·e·s du secteur pour partager leurs visions du métier, leurs bonnes pratiques et leurs motivations. En mars, nous avons rencontré Karine Joyeux, responsable de la communication au Théâtre de l’Onde de Vélizy-Villacoublay.
Un émoji pour commencer ?
😳 : l’émoji étonnée, curieuse, les yeux grand ouverts…
Peux-tu nous raconter le parcours qui t’a menée jusqu’au spectacle vivant et à la communication particulièrement ?

J’ai fait des études de lettres durant lesquelles j’étais vacataire au Théâtre de Sartrouville pour accueillir les spectateurs en soirée, contrôler les billets, les vendre, saisir les abonnements… Des années pendant lesquelles je me suis nourrie de spectacles ! J’ai ensuite enseigné le Français plusieurs années dans le secondaire. J’ai continué à fréquenter le Théâtre de Sartrouville, et un soir, c’était pour une représentation de Forêts de Wajdi Mouawad, j’ai appris que la responsable billetterie partait pour une année sabbatique. Je n’ai pas hésité longtemps à lâcher cours et copies pour proposer de la remplacer durant son absence. J’ai eu beaucoup de chance, d’autant plus qu’elle n’est jamais revenue de son voyage. J’ai continué à travailler à l’accueil-billetterie du Théâtre de Sartrouville pendant encore une année.
Néanmoins, je ne voyais pas la billetterie comme une finalité. Je rêvais d’écrire la brochure et les programmes de salle ! La Secrétaire générale m’a donné l’opportunité de le faire. Je suis donc entrée en communication par l’écrit et j’ai travaillé en binôme avec un collègue auparavant graphiste indépendant. Tous les deux, nous avons été capables de donner forme de façon rapide et léchée à toutes sortes d’outils et de supports. J’ai bien sûr suivi des formations professionnelles en communication, j’ai surtout appris en faisant, en observant mes pairs, et j’ai toujours été très bien entourée par mes collègues aux relations avec le public et à la billetterie. Mon parcours au Théâtre de Sartrouville a été marqué par des rencontres déterminantes avec des artistes qui sont aujourd’hui très influents dans le spectacle vivant, avec des personnes qui m’ont beaucoup apporté, qui m’ont fait confiance – un cadeau que je savoure aujourd’hui ! J’ai quitté le métier d’enseignante, qui est un métier de représentation, pour me mettre à la place de celle qui regarde – une spectatrice en somme ! Je me nourris de ce que je vois et de ce que j’entends pour alimenter mon métier de communicante.
Comment s’organise ton travail aujourd’hui à l’Onde Théâtre, de quoi es-tu en charge concrètement ?
Je travaille à l’Onde Théâtre de Vélizy-Villacoublay dans le 78 depuis quatre ans. Nous sommes deux à la communication à travailler en lien étroit avec la Secrétaire générale qui coordonne le volet « publics », avec les relations publiques, l’accueil et la billetterie. C’est en dialogue avec elle que j’élabore le plan de communication de la saison au moment où la programmation annuelle s’élabore. Puis j’organise un planning le plus précis possible sur le print, le digital, les partenariats presse qu’on déroule et qu’on réajuste au fil de la saison.
L’Onde produit beaucoup de supports imprimés et je suis très sollicitée par le print. Nous travaillons avec une graphiste de renom, Anette Lenz, au trait puissant et exigeant. Cette identité visuelle très forte conditionne beaucoup notre façon de communiquer : d’abord être à la hauteur de son exigence, ensuite la rendre plus accessible, plus familière pour que les publics se l’approprient. Depuis trois saisons, nous avons pris un véritable tournant pour dynamiser la communication numérique grâce à la refonte du site web. Désormais, on développe beaucoup le travail sur la vidéo sur les réseaux sociaux, sur des sites d’information, sur le réseau d’affichage dans la ville et dans les gares. Ma collègue est une vraie perle dans la production de contenus ! On a d’ailleurs envie d’aller plus loin dans l’incarnation et la prescription à travers le média vidéo.


Quelle est la spécificité du travail de communicant aujourd’hui à ton sens ?
La communication exige beaucoup de polyvalence, d’être en veille, à l’affût des nouveautés, des tendances, des actualités sur les spectacles, les artistes, la profession. J’ai personnellement à cœur de maintenir une exigence rédactionnelle. J’ai souvent entendu répéter : « les gens ne lisent plus. Inutile de faire des textes trop longs » mais je ne suis pas convaincue par cela, et je continue à écrire pour ceux qui lisent et que ça intéresse d’en savoir plus. En tant que lieu culturel et diffuseur, on se doit de produire des écrits de qualité pour les publics, cela fait partie de notre mission de transmission.
Aujourd’hui, on a besoin de diversifier les approches et les formats pour s’adapter aux pratiques des publics. Le papier et le digital ne s’opposent pas, au contraire ils se complètent. On procède plus par addition, que par soustraction : on ne peut rien lâcher ! L’écueil pour un communicant dans une institution, c’est la sédentarité, la répétition, les habitudes. On peut avoir tendance à rester dans sa bulle, c’est la raison pour laquelle j’aime travailler avec des intervenant·es extérieur·es (agences, médias, créateurs de contenus) car ce sont de vraies soupapes pour rester ouvert sur l’extérieur et interroger ses pratiques.
Quels sont tes défis de communicante ?
Rester curieuse, toujours en veille. J’observe beaucoup les bonnes pratiques chez mes pairs. Je reste très attachée à l’opérationnel : pour moi, il n’y a pas de petites tâches, même s’il est important de régulièrement trouver le temps de penser les choses et de réinjecter de la stratégie dans tout ce qu’on produit. On doit être sur les fronts, parler à tous les publics, s’adapter à toutes les pratiques.
Quels sont, selon toi, les publics prioritaires à toucher en communication à l’Onde Théâtre ?

S’adresser aux plus jeunes. C’est le leitmotiv dans de nombreux lieux. L’objectif à l’Onde est aussi de toucher un public plus jeune et un public familial. On s’adresse principalement à un public de territoire, c’est-à-dire aux écoles, les collèges, lycées, les associations, les entreprises de proximité. Et certains spectacles ou événements nous amènent à élargir vers des publics plus spécifiques (amateurs de danse, de théâtre ou de spectacle vivant en général).
Quel est ton rapport à la presse aujourd’hui, où te renseignes-tu ?
J’ai travaillé plusieurs années en lien étroit avec un attaché de presse au Théâtre de Sartrouville, où la création artistique est au cœur du projet. J’ai également participé pendant deux ans en tant que freelance à la communication d’un bureau de relations presse. Le travail avec les médias me tient donc particulièrement à cœur. L’Onde Théâtre est abonné aux grands médias nationaux, et je suis inscrite à plein de newsletters presse. Je suis également l’actualité des influenceur·euses théâtre et danse. La visibilité des spectacles passe de plus en plus par les réseaux sociaux, et par la parole donnée aux spectateur·ices avec des micro-trottoirs. La voix journalistique renforce elle aussi la prescription par des
recommandations. Finalement, le bouche à oreille reste le meilleur moyen de communiquer !
Est-ce que tu pourrais résumer ta manière de communiquer en 3 mots ?
La porosité : s’imprégner, être à l’affût, sensible à l’air du temps, ouvert à tous les vents…
Le partage : faire du commun, raconter une histoire qui parle à tous et toutes.
Le travail : réfléchir pour mieux communiquer, sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier,
être minutieux·se et soucieux·se du détail.

Quels sont, selon toi, les outils indispensables du communicant ?
Un téléphone, mais pas pour téléphoner, plutôt pour prendre des notes, des photos, des
vidéos, il y a tout dedans et c’est dans ta poche !
Meilleur souvenir professionnel ?
Les meilleurs souvenirs professionnels sont forcément ceux qu’on partage en équipe, la joie des victoires collectives. Il n’y a rien d’aussi satisfaisant que lorsqu’on relève un challenge à plusieurs : remplir une salle quand le public n’est pas spontanément au rendez-vous, organiser un événement qui fait vivre le lieu plus intensément…
Pour finir, qu’est-ce qui te rend « Overjoyed » dans ton métier ?
Une soirée de spectacle où tout est aligné, où l’énergie passe de la scène à la salle, et vice-versa. Quand cette magie-là opère, quand cet échange, cette rencontre entre les artistes et les spectateur·ices a lieu, on se sent les artisans d’une très belle chose, unique, fragile et extraordinaire ! Il n’y a rien de plus jubilatoire que cette énergie commune partagée.