Chaque mois, nous allons à la rencontre des dirigeant·e·s et communicant·e·s du secteur pour partager leurs visions du métier, leurs bonnes pratiques et leurs motivations. Ce mois-ci, Romain Paquet, responsable de la communication et des relations presse du Gymnase CDCN à Roubaix (51), a pris le temps de répondre à nos questions.
Bonjour Romain, tout d’abord, comment avez-vous commencé votre vie professionnelle dans le spectacle vivant ?
Mon parcours ne m’a d’abord pas prédestiné au milieu de la culture puisque j’ai commencé mes études dans une école de commerce à Lille. Lors de ces trois années, j’ai eu l’occasion de faire des stages. Mon envie de culture a alors émergé et je me suis dirigé vers différentes structures culturelles pendant mes études : Droit de Cité, Compagnie Rêvages, Tourcoing Plage…
Par la suite, j’ai débuté un master de patrimoine culturel à Angers. Ce master comportait tout un volet sur l’utilisation des nouvelles technologies. Ça a été l’occasion pour moi d’apprendre à faire de la vidéo, de la photo et à maîtriser des outils numériques qui me sont aujourd’hui encore utiles dans un poste qui nécessite de mettre la main à la patte dans pleins de domaines.
Mes expériences professionnelles dans le milieu du spectacle vivant se sont alors enchaînées, d’abord dans un carnaval à Lille, à la Comédie de Béthune et aujourd’hui au Gymnase, Centre de développement chorégraphique national. Ma spécialisation dans la fonction communication a été progressive jusqu’à devenir aujourd’hui responsable de communication.
Selon vous, quelle est la spécificité du travail de communicant dans le spectacle vivant ?
A mon sens, dans les différents lieux où j’ai travaillé, il a été primordial de travailler sur l’identité des structures et non uniquement sur la vente de spectacles en particulier. Il s’agit d’abord de faire un vrai travail de notoriété afin de faire connaître un lieu. Il est nécessaire de faire transparaître ses valeurs, oserai-je dire, son âme, à travers des actions de communication. C’est seulement ainsi que l’on peut toucher un plus vaste public et désamorcer tout ce qui pourrait entraver sa venue en salle.
Pourriez-vous résumer la communication du Gymnase CDCN en 3 mots ?
Pour commencer, la notion de simplicité me paraît primordiale. Si ce n’est pas toujours ce que l’on peut atteindre, on doit au moins tendre vers elle. Au Gymnase, nous réfléchissons beaucoup aux mots employés pour renvoyer à un imaginaire connu, identifié et accessible. Ainsi, nous aurons tendance à parler de « danse » plutôt que de « chorégraphie » ou de « mouvement ». Nous voulons aller droit au but et surtout, droit au public.
Par ailleurs, nous visons l’efficacité. Celle-ci va de pair avec cette idée de simplicité. Nous voulons créer des repères facilement identifiables pour le public. Cela peut passer par le choix des noms de nos festivals où par nos logos, avec une tête de lion qui agit comme un totem.
L’efficacité, c’est la volonté de sortir du lot, de se distinguer d’autres instances culturelles. Pour ce faire, nous avons recours à des visuels impactants, avec de nombreux effets de matières et de brillance. On trouve de nombreuses aspérités visuelles dans nos documents de communication.
Enfin, l’humain est prédominant. Nous avons pour volonté d’humaniser notre communication en l’incarnant au travers de présentations d’artistes en résidence. Il s’agit de mettre en place un véritable storytelling pour mieux présenter l’identité du Gymnase.
Comment sont organisés les différents rôles de communication au sein du Gymnase CDCN ?
Le Gymnase est une structure composée de huit membres permanents. Parmi eux, je travaille en étroite collaboration avec une personne s’occupant à mi-temps de la communication et à mi-temps de la billetterie.
Je m’entretiens également beaucoup avec la secrétaire générale ainsi qu’avec le directeur et la directrice générale. Ils m’apportent tous regard plus global sur la structure et aiguillent ainsi mon travail. En plus de cela, selon les projets, je travaille également main dans la main avec l’équipe de médiation et relations publiques (3 personnes) voir même avec d’autres services (production et technique), toujours dans l’idée de concevoir des projets dans leur totalité.
Enfin, le Gymnase a également recours à des prestataires extérieurs. C’est avec eux que je collabore pour établir les chartes graphiques de nos festivals comme Mathilde Delattre, notre graphiste depuis de nombreuses années. En plus de son rôle de “prestataire”, elle a aussi un rôle de conseil.
Pouvez-vous nous parler de votre mission en particulier ?
Au sein du Gymnase, je décrirais mon poste comme celui d’un facilitateur. Une bonne idée naît souvent d’un temps d’échange collectif. Il faut alors mettre cette idée en œuvre, la concrétiser en l’incarnant dans des visuels, dans des éléments de langage ou dans des vidéos. Il s’agit du volet opérationnel de mon métier.
Par ailleurs, mon poste revêt également un aspect stratégique. Je dois traduire diverses idées dans un seul et même fil rouge : la stratégie de communication autour de laquelle viennent s’articuler nos actions, qu’elles soient digitales, print ou publicitaire.
En bref, je dois autant penser à court terme qu’à long terme, en produisant régulièrement des contenus tout en entretenant une vision durable.
Quels sont vos principaux outils comm ?
J’ai recours à des outils somme toute assez classiques. Je réalise notamment de nombreux tableaux sur Excel. Il s’agit là d’une excellente manière de gérer l’organisation des actions de communication. J’ai essayé d’autres outils comme Trello mais rien n’est aussi efficace qu’Excel à mes yeux. J’y recense mes contacts presse, les dates de mes relances ou des événements à venir.
J’utilise la suite Adobe (InDesign, Photoshop, Premiere) afin de réaliser la partie la plus concrète de mon plan de communication, à savoir, les éléments visuels et graphiques.
Enfin, je me sers de la suite Meta afin de publier nos publications sur les différents réseaux sociaux du Gymnase.
Quels sont vos temps forts de communication ?
Nos deux festivals constituent les principaux temps forts de notre communication. Le premier, Forever Young, est destiné aux jeunes publics. En 2023, il se déroule du 16 novembre au 9 décembre.
Le second, Le Grand Bain, a pour vocation de déployer un large panorama de tout ce qui se fait dans le milieu de la danse en France ainsi qu’à l’international. Il se déroule pendant plus d’un mois chaque année, au printemps.
Pour ces deux festivals, l’équipe de communication travaille à l’élaboration d’une brochure, d’une carte postale et d’affiches qui reprennent les mêmes visuels et une même charte graphique. La majorité des contenus passe également par le site internet qui se met lui aussi, aux couleurs des festivals. Il permet de centraliser l’accès à la programmation.
En parallèle, nous mettons en place un plan média avec la presse régionale et nationale et alimentons quotidiennement nos réseaux sociaux afin de créer une véritable mobilisation des communautés, artistes et partenaires.
Parmi vos temps forts, vous avez évoqué le festival Forever Young qui s’adresse à un public jeune. Selon vous, comment communiquer auprès de la jeunesse dans la sphère culturelle ?
Par public jeune, nous faisons en effet référence à l’âge ; mais pas seulement. Nous avons vocation à nous adresser à tous et toutes, quel que soit leur âge. On peut très bien avoir 40 ans mais n’avoir vu que très peu de spectacles au cours de sa vie.
Afin de piquer l’intérêt d’un public de non-initiés, la programmation, en premier lieu, est primordiale. On s’assure que les spectacles soient accessibles. En termes de communication, dans un second temps, nous visons à proposer des supports attrayants mais sans jamais infantiliser le public.
De manière plus générale, je dirai que la volonté de parler aux jeunes passe par des textes courts et une approche très visuelle. Il y a un vrai souci de démocratisation. Outre nos deux festivals, ce souci se retrouve dans l’ensemble des spectacles proposés par le Gymnase qui soutient des projets populaires.
Le rôle des réseaux sociaux et du digital est évidemment capital lorsqu’il s’agit de parler à des adolescents. Ainsi, nous nous orientons vers plus de contenus vidéos, la plupart créés en interne, mais nous avons également eu l’occasion de travailler avec des influenceurs locaux lors de l’édition passée du festival Le Grand Bain comme @lille_addict.
En parallèle des actions de communication, le travail de la médiation s’efforce de ne pas se cantonner aux publics captifs mais d’aller chercher celles et ceux qui n’iraient pas voir des spectacles de danse par eux-mêmes. Nous organisons notamment des événements familiaux tout au long de l’année.
Les rôles du Gymnase en tant que CDCN sont nombreux (sensibilisation et médiation, accompagnement des artistes au travail, recherche…) : communiquez-vous sur tous ou vous concentrez-vous sur certains plus en particulier ? Communiquez-vous différemment en fonction des thématiques abordées ? Si oui, comment réussir à garantir une ligne éditoriale d’ensemble malgré la diversité de sujets abordés ?
Les missions du Gymnase sont tellement vastes dans le champ culturel qu’il est impossible de communiquer sur tout, au risque de créer un surplus d’information. Ceci dit, il est vrai que nos actions de communication ne sauraient se limiter à la simple promotion des spectacles programmés. Il s’agit de montrer le côté souterrain du Gymnase pour créer un meilleur storytelling. Ce dévoilement des coulisses peut notamment passer par la monstration de résidences d’artistes. Nous souhaitons montrer les visages des danseurs et des chorégraphes afin d’humaniser notre communication. Nous réalisons ainsi souvent sur les réseaux sociaux des portraits vidéos de trois minutes pour présenter les artistes et leurs projets.
Plus largement, notre manière de communiquer varie en fonction des acteurs à qui nous nous adressons. Le ton utilisé varie grandement selon que nous souhaitons toucher une cible institutionnelle ou jeune public.
Le Gymnase s’associe à un ou une artiste pour une période de trois ans. Comment travaillez-vous avec eux ?
Tout dépend évidemment de la personne que l’on a en face. Certains artistes ont plus ou moins d’appétence pour la communication. Dans la mesure du possible, il s’agit d’être dans l’échange et dans la rencontre afin de comprendre par quelles actions un artiste associé sera intéressé.
Avec Sylvain Huc, dont le mandat se termine en fin d’année, nous avons notamment valorisé les activités de médiation par l’intermédiaire de vidéos et de prises d’images. En ce moment, nous finalisons une vidéo “d’au-revoir”, sorte de bilan sensible et chiffré de ses années comme artiste associé.
Le mandat du nouvel artiste associé débutera en janvier prochain. Sans nul doute, un défi très enthousiasmant à relever pour la communication du Gymnase !
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
J’aime beaucoup l’esprit de laboratoire qui règne quand une idée émerge subitement. De prime abord, elle peut paraître un peu bizarre, mais notre intuition nous pousse parfois à la concrétiser.
Ça été le cas dans le cadre du projet Dance Well. Il s’agit d’ateliers menés gratuitement autour de la danse et du bien-être. Ils sont nés en Italie et se sont exportés dans d’autres pays, dont en France, au Gymnase. Nous réalisons ces ateliers dans des lieux insolites, comme au musée des Beaux-Arts de Lille. A son origine, cette initiative s’adressait exclusivement aux malades de Parkinson puis s’est ouverte à un plus large public.
Cet esprit de laboratoire est survenu lorsque nous avons décidé de changer notre communication autour de ce projet. Habituellement, on interview plutôt des professionnels, qu’ils soient chorégraphes ou danseurs. Pour Dance Well, nous avons décidé de redonner la parole aux participants. Nous n’étions d’abord pas sûrs de la pertinence de cette idée, même si elle nous plaisait beaucoup.
Puis, quelque chose s’est passé lorsque nous avons filmé le portrait de la première participante, Bernadette, atteinte de Parkinson, et dont la personnalité force le respect. C’est à ce moment-là que nous avons su que nous tenions quelque chose.
Nous avons d’ailleurs montré cette vidéo à ceux à l’origine de ce projet, en Italie, qui ont adoré l’idée !
Pour finir, qu’est-ce qui vous rend « Overjoyed » dans votre métier ?
J’apprécie particulièrement les moments de rencontre et d’émulation collective. Une bonne idée peut naître d’un temps d’échange. On sort alors de la routine pour aller vers la création. Il faut ensuite tout faire en sorte puis réaliser cette idée. Il est toujours très satisfaisant de passer d’un concept à des actions concrètes et incarnées.
J’aime me dire que la communication ne consiste pas en une seule et même recette que l’on applique encore et encore mais qu’elle découle plutôt d’une véritable réflexion.