Chaque mois, nous allons à la rencontre des dirigeant·e·s et communicant·e·s du secteur pour partager leur vision du métier, leurs bonnes pratiques et leurs motivations.  Pour ce 10e entretien, nous avons interviewé Karine Atencia, directrice de la Communication & des Relations Institutionnelles de Dominique Bluzet pour “LES THÉÂTRES” et le Festival de Pâques, à Aix-en-Provence et Marseille.

Après un parcours scientifique, Karine Atencia entre en Hypokhâgne-Khâgne, avant de commencer sa carrière en agences de communication. Elle s’occupe d’événementiel et création numérique, tout en complétant sa formation en communication à Paris 8. Intéressée par les questions de territoire, elle pilote des projets pour le Conseil général de Seine-Saint-Denis. Elle occupe ensuite le poste de directrice conseil dans différentes agences, dont Ideacom, Tihuakan et Polynôme, où elle travaille pour des secteurs variés, du luxe à la finance. Après 15 années, elle décide de s’orienter vers l’annonceur pour “retrouver un sens et un intérêt dans les contenus”.

Passionnée d’art et de culture, elle quitte le monde des agences pour rejoindre, à la demande de Marie-France Carron (secrétaire générale) et Nicole Gautier (directrice), le Théâtre de la Cité internationale, dont elle crée le site internet. Ce projet, en collaboration avec la plateforme Artichoc lui permer d’expérimenter les logiques de mutualisation d’outils au profit des acteurs culturels. 

Au même moment, le Centre national de la danse (CND) se constitue en établissement public et s’installe à Pantin. Michel Sala, son directeur, choisit Karine Atencia comme directrice de la Communication qui, pendant 8 ans, met son expérience au service de ce lieu et la danse contemporaine. Après un changement de direction, elle repart un temps en collectivité à Tremblay-en-France, au cabinet du Maire. Une expérience aussi riche qu’intense, avec une équipe de 23 personnes, une imprimerie municipale et un travail passionnant en lien avec le Théâtre Louis-Aragon, notamment.

Elle effectue ensuite un premier remplacement de congé parental au CENTQUATRE-PARIS pendant 9 mois, avant de rencontrer Philippe Quesne, qui l’engage dans l’aventure de Nanterre-Amandiers. Peu de temps après, Naïa Sore – aujourd’hui Directrice de la communication, du développement et des publics chez Fondation Cartier pour l’art contemporain – quitte le CENTQUATRE-PARIS et Karine Atencia est recrutée par José-Manuel Gonçalves. Elle y restera 5 ans.

En 2021, un cabinet de « chasseurs de talents » lui propose de venir prendre la direction de la Communication et des Relations institutionnelles du groupement LES THÉÂTRES et du Festival de Pâques, dirigés par Dominique Bluzet. Une nouvelle aventure de territoire et de culture commence.

C’est un an après son arrivée qu’elle prend le temps de cet échange ensoleillé et optimiste, avec une rentrée marquée par le retour des publics, à l’occasion de nouveaux événements fédérateurs.

Comment s’organise la communication de ce groupement un peu particulier ?

LES THÉÂTRES, second pôle de spectacle le plus important de France, rassemble 4 lieux, 4 structures différentes (les Théâtres du Gymnase et des Bernardines à Marseille, le Théâtre du Jeu de Paume et le Grand Théâtre de Provence à Aix) et 90 personnes dirigées par Dominique Bluzet. Le groupement assure les ressources humaines, la communication et le mécénat. Les autres lieux sont structurés comme dans un théâtre habituel.

L’organisation de la communication repose sur deux structures parallèles, à Aix et à Marseille, avec de part et d’autre une équipe en miroir. Chaque équipe est composée de : un·e responsable communication, une attachée de presse, un·e responsable numérique et une chargée de diffusion sur le territoire.

Ma mission relève un peu du “grand écart” : je suis en charge d’une équipe transversale de 10 personnes, qui crée et produit des supports communs, avec une identité graphique globale à l’ensemble. Dans ce même temps, je dois m’assurer que chacun travaille de manière pointue et différenciée, car les territoires, les publics et les projets sont différents : nous programmons plus de théâtre à Marseille, et plus de musique et de danse à Aix-en-Provence. Il existe aussi des différences de comportements, de capacité à sortir et de pouvoir d’achat entre les deux villes.

Le Festival de Pâques, quant à lui, est une entité à part, avec une structure économique dissociée, et une mobilisation de l’équipe du Grand Théâtre de Provence. Pour la communication, je travaille avec l’équipe de communication aixoise, renforcée de prestataires externes, car c’est un énorme événement : 17 jours de festival, 32 concerts classiques, avec un rayonnement international.

Sur l’ensemble de ma mission, j’ai la chance d’être efficacement épaulée par une adjointe à la communication, Carine Colombo, car je dois être très mobile tout en travaillant pour tous avec le même investissement.

Depuis peu, nous nous sommes également attaché les services de l’agence Myra en renfort : au-delà de nos activités de diffusion, nous sommes aussi producteurs. Nous organisons des tournées sur lesquelles nous avons besoin d’un accompagnement presse spécifique.

Et puis, bien entendu, nous nous appuyons sur des studios graphiques – les agences Rébellion et John & James – et d’autres prestataires plus ponctuels, comme l’agence Kiblos, qui a réalisé un audit de notre écosystème digital.

Quels sont les 3 éléments qui caractérisent la communication “DES THÉÂTRES” ?

La Joie : elle est essentielle et c’est un mot clé qui revient très souvent dans le discours de Dominique Bluzet.

Il y a aussi l’idée de Partage, car le projet est très ouvert.

Enfin, je dirais l’Éclectisme des formes, des esthétiques, des disciplines, avec de grandes différences de regards.

Visuel de saison

Qu’est-ce qui guide votre communication ? En quoi est-elle singulière ? 

Nous lançons la saison très tôt ici – le 15 mai, là où d’autres partenaires sur le territoire se lancent en juillet, voire à la rentrée. Par conséquent, cela nous amène à avoir un véritable temps fort avant l’été, et à nous poser la question de la relance de la rentrée.

Cette année, nous avons fait un très bon démarrage, car la programmation a justement été pensée comme un temps fort de rentrée. À Aix, avec la Compagnie Carabosse et le Théâtre du Centaure en extérieur, nous avons rassemblé plus de 30 000 personnes sur le cours Mirabeau, entre le Grand Théâtre de Provence et le Jeu de Paume. La billetterie est restée ouverte toute la soirée. Ensuite, nous avons accueilli le Ballet de l’Opéra National de Paris avec Crystal Pite. À Marseille, nous avons accueilli la Comédie-Française et Maëlle Poésy à la Friche la Belle de Mai. Ces trois événements nous ont permis, non seulement de déployer des relations presse et des plans de communication puissants, mais également d’atteindre des taux de réservation qui rejoignent ceux de l’avant crise sanitaire.

À Marseille, le Théâtre du Gymnase étant actuellement en travaux, nous organisons une programmation événementielle hors les murs dans 6 théâtres partenaires qui soutient la communication presse et diffuse des messages forts sur le projet.

Par ailleurs, tout au long de l’année, nous avons des temps forts liés aux créations et aux productions déléguées, comme par exemple Le Roi Lear avec Jacques Weber, à la Criée pour une longue série, ou la création Ici Nougaro sur un texte de Charif Ghattas, et une mise en scène de l’auteur, ainsi que de Grégory Montel et du musicien Lionel Suarez.

Quels sont vos principaux enjeux de communication ?

Pour tout théâtre, la présence du public reste l’enjeu premier.

En tant que communicante, mon défi actuel est de rendre compréhensible la programmation du Gymnase hors les murs. Lorsqu’un lieu fermé continue de programmer, il faut réussir à donner du sens à cet éclatement pour que le public suive.

Plus généralement, mon challenge est de comprendre les évolutions comportementales afin d’adapter les outils, les temporalités et les tonalités de communication, pour faire passer nos messages efficacement.

Quels sont vos trois outils de com essentiels ?

Le pilier de mon travail, c’est avant tout mon équipe. Ensemble, grâce à leurs compétences, leurs qualités relationnelles et leur engagement quotidien, nous organisons la communication face à la profusion et la complexité de la programmation, pour ne rien négliger, ni personne. Ainsi, aucun artiste n’est laissé de côté, chacun bénéficie de visibilité.

Ensuite, la brochure de saison reste, ici, très importante dans la pratique publique. Elle est attendue et très utilisée. Alors qu’au CENTQUATRE-PARIS, nous commencions par un lancement numérique et sortions la brochure en septembre, ici, c’est l’inverse : l’édition prime, pour l’ensemble du groupement. C’est l’outil qui porte le projet global.

Enfin, je dirais les réseaux sociaux, pour lesquels j’ai fait mener un audit par Kiblos en 2022, afin de m’assurer de la pertinence de chacun. Au terme de l’enquête, nous en avons toujours autant, mais nous nous sommes structurés pour gagner en efficacité. Ce travail a été très bénéfique car il a créé de la transversalité dans les équipes, productrices de beaucoup de contenus. Le lancement événementiel de la saison en septembre 2022 a été un moment de déploiement de cette stratégie réseaux sociaux et de notre évolution identitaire.

Nous sommes, par ailleurs passés dans nos supports papier de l’illustration à la photo, avec Agathe Hernandez (@agathewhatyouneed), une jeune photographe marseillaise, renommée, ce qui a rajeuni et dynamisé l’image de nos supports.

Et nous avons également développé une série de Podcasts en collaboration avec la journaliste Mélanie Masson, ce qui nous a permis d’alimenter nos supports numériques en contenus appréciés du public et de créer des liens forts avec les artistes de nos saisons.

Vous avez un parcours très riche, est-ce qu’il y a un projet dont vous êtes particulièrement fière aujourd’hui ?

J’ai la chance d’avoir eu de nombreuses satisfactions dans mon parcours, mais ma prise de fonction ici était un enjeu très fort pour moi qui n’avais jamais quitté Paris ! Je trouve cela plutôt réjouissant de se dire qu’à 54 ans, on peut partir vers une nouvelle aventure totalement exaltante et y trouver encore de nouvelles perspectives de déploiement de ses compétences.

Je suis particulièrement fière de défendre le projet pluridisciplinaire qui est celui de Dominique Bluzet. Il a œuvré pour fédérer, médiatiser ces 4 théâtres afin d’augmenter son rayonnement et positionner une équipe. Une très jolie manière de démontrer qu’en matière de spectacle vivant, tout ne se passe pas qu’à Paris.

Pour finir, qu’est-ce qui vous rend “overjoyed” dans votre métier ?

Quand une émotion artistique rencontre le public et que je peux imaginer que j’y suis un peu pour quelque chose. Par exemple, lors de cet événement de rentrée avec la Compagnie Carabosse à Aix : la ville plongée dans le noir, les petites flammèches, les spectateurs que nous pouvions observer depuis leurs fenêtres… Quels frissons ! Nous en aurions presque versé des larmes !  D’autant plus en cette période de grands questionnements… C’est incroyable de se dire : “tous ces gens sont là pour être ensemble, pour l’Art, et grâce à toute l’équipe ”. C’est tellement important. Et lorsque le public le partage et nous témoigne son bonheur, c’est particulièrement gratifiant pour les professionnels de la culture que nous sommes !”

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