Chaque mois, nous allons à la rencontre des communicant·e·s du secteur pour partager leurs visions du métier, leurs bonnes pratiques et leurs motivations. 8e entretien, avec Nathalie Becquet, directrice de la Communication de Montpellier Danse.
Nathalie me reçoit dans un cadre exceptionnel, le cloître de l’Agora, un lieu habité par l’équipe de Montpellier Danse dirigée depuis quarante ans par Jean-Paul Montanari, mais aussi par le Centre Chorégraphique National. Elle a lancé l’édition 2022 du festival il y a moins de quinze jours et les studios sont déjà pris par les équipes des chorégraphes. Notre entretien est ponctué du passage des danseurs d’Emanuel Gat qui sortent prendre l’air entre deux répétitions et rythmé par la musique qui s’échappe du studio dans lequel travaillent Robyn Orlin et Nadia Beugré.
Nathalie l’affirme : elle “dansait avant de marcher” et c’est tout autant en amatrice qu’en spectatrice qu’elle a développé une véritable passion pour cet art. Après son bac, elle choisit donc une filière culturelle. Originaire des Hauts-de-France, elle entre à l’IUP, ancien master Ingénierie culturelle, et réalise un stage au Vivat à Armentières. Entre la production et les relations publiques, elle s’adapte et sa tutrice l’imagine tout à fait à sa place à Montpellier Danse. C’est ainsi qu’elle postule et débarque à Montpellier en 2001. Elle commence par s’occuper des déplacements de Jean-Paul Montanari et de l’accueil des compagnies. Au fil des mois, un poste se libère, puis sa polyvalence façon “couteau suisse”, l’amène à la communication en tant qu’assistante. Elle en devient la responsable en 2011. Formée sur le terrain et attachée à ce bel endroit, elle considère aujourd’hui son parcours comme assez atypique, alors que ses homologues ont souvent la “bougeotte”.
Qu’est-ce qui fait que l’on reste 20 ans à Montpellier Danse ?
Jean-Paul Montanari et Montpellier bien sûr. Jean-Paul a formé mon regard de spectatrice, mais c’est aussi un artiste et un directeur qui s’occupe réellement de communication : il s’y implique, et nous sommes vraiment en discussion sur tous les projets. Travailler à ses côtés est une excellente formation.
Comment sont organisés les rôles et les missions communication ?
Une petite équipe de 12 personnes s’occupe à l’année du festival, de la saison danse de septembre à décembre et de janvier à mai, et de l’Agora avec ses ateliers et résidences d’artistes.
À la « communication » nous ne sommes que 3 : Maïwenn Rebours responsable des relations médias, Antoine Magdziarz qui m’assiste et s’implique sur le numérique et les réseaux sociaux et moi. L’activité étant très riche, nos missions sont vraiment à 360, autant du point de vue des supports travaillés que des publics touchés.
Nous travaillons aussi avec deux graphistes : Agnès Gjini / Mine de rien pour la saison et Les Produits de l’Épicerie pour le programme du festival. Ils créent le visuel sur la base de la programmation et des discussions avec l’équipe. Ils proposent une charte et un visuel qui changent chaque année car chaque festival est unique.
L’engouement du public pour cette 42e édition du festival nous donne confiance en l’avenir.
Quelle est votre mission en particulier ?
L’information en direction du public. On a une vision très claire de notre public, de sa composition et un lien très particulier avec lui. On lui parle tout le temps et de manière très ciblée.
Montpellier Danse a été créé dans les années 80 avec l’objectif d’être un festival avec un rayonnement international, mais à destination du public local. Cela reste notre priorité. C’est son festival. D’ailleurs, les files d’attente dès l’ouverture de la programmation et des ventes nous prouvent que ça fonctionne et ce n’est pas si courant. La fidélité du public et son attachement à Montpellier Danse sont impressionnants.
Ce lien, on le garde et l’entretient principalement grâce au numérique (newsletters, entre autres…) depuis la crise sanitaire de 2020, malgré des annulations, des reprogrammations, d’autres annulations… On a tenu ! Ce côté combatif et cette proximité avec le public nous ont permis de rester debout, ensemble avec le public.
Quels sont vos temps forts de communication ?
Juste avant le lancement du festival, en février-mars, puis pendant l’événement, en juin-juillet. Mais aussi à la rentrée, pour lancer la saison d’un point de vue plus local, dire que l’on est de retour et qu’on est là toute l’année. Les 98% de remplissage ont été atteints sur la Saison 21.22 que nous venons de finir. L’engouement du public pour cette 42e édition du festival nous donne confiance en l’avenir.
Comment travaillez-vous avec les artistes dans votre communication ?
Tout part de la programmation imaginée par Jean-Paul Montanari. La particularité d’un festival tel que Montpellier Danse est que c’est un festival de créations. 80% des œuvres n’existeront qu’au moment du festival. La communication sur une édition se construit 7-8 mois en amont alors que plusieurs artistes ne sont même pas encore rentrés en studio pour travailler avec les danseurs…
Du point de vue de la communication, c’est complexe car il faut créer la matière. Faire écrire des textes, trouver des visuels, des extraits vidéos… Alors on a passé du temps à interroger les artistes et leurs équipes. Quand on reçoit un artiste en résidence à l’Agora, on lui propose toujours de nous parler de son projet face à une caméra. Un jeu de questions-réponses très simple, mais tellement important pour construire la compréhension autour de l’œuvre qui est en train de naître. Il faut aller chercher toutes les informations possibles pour donner envie aux spectateurs de découvrir l’univers d’un artiste qu’ils ne connaissent pas et de prendre le risque de se rendre au théâtre sans vraiment savoir ce qu’ils vont voir. On est très à l’écoute des artistes.
La mise à jour de notre site internet est constante pour ce qui concerne les distributions, les modifications dans les textes, les photos… et le programme de salle, premier document à paraître sur l’œuvre finie, est fait en étroite collaboration avec l’artiste et ses équipes.
Deux mots pour qualifier votre communication ?
Accessible : le spectateur ne doit pas avoir à chercher l’information, aussi la typo est-elle très claire et structurée, avec une volonté d’ouverture à tous. On doit se sentir invité à feuilleter le programme.
Cohérente : on travaille un plan de communication multicanal avec un programme papier, un site internet et des réseaux sociaux qui se répondent de manière efficace et exigeante. On ne communique pas pour communiquer. Il faut qu’il y ait du sens et une ligne claire.
En cette période post-Covid, quels sont vos principaux défis en tant que communicante ?
Notre défi majeur, c’est de conserver nos publics et d’être à la hauteur de leurs attentes. La programmation est exigeante, elle leur propose de prendre le risque de la découverte, chose de moins en moins évidente… Garder la confiance du public et le convaincre de continuer à nous suivre est un défi depuis toujours mais qui est encore plus présent depuis le Covid… Ce défi est relevé par l’exigence d’une programmation d’une grande qualité que la communication accompagne. À chaque festival, à chaque nouveau projet, on doit (ré)agir, informer les publics, être à l’écoute des artistes, être juste, et surtout au bon endroit.Pendant la crise, on a développé la billetterie numérique et les réseaux sociaux, donné de nouvelles habitudes aux publics et acquis une visibilité renouvelée auprès des professionnels et des danseurs. Nous sommes vus à la fois de très près et de très loin.
Quels sont vos trois outils de com essentiels ?
Le programme du festival : C’est le premier document qui est travaillé. On y crée la charte graphique, les éléments de langage, on choisit l’iconographie… il détermine l’esprit de la communication qui découlera de ces choix. La charte graphique change à chaque saison et chaque festival même si on garde des principes de composition. Nous faisons appel à des critiques de danse pour écrire les textes sur les spectacles. Ils connaissent les artistes, ont suivi leur parcours et sur quelques mots d’un dossier ou un entretien avec le chorégraphe, sont en capacité de saisir le sens de la création à venir, ils réussissent à être juste et – on y revient – au bon endroit, à la fois fidèle à l’imaginaire de l’artiste pour sa future création, mais aussi informatif pour le public.
Ce programme est envoyé à notre public le plus fidèle, aux professionnels et à la presse. C’ est un document rare, que le public collectionne. Avec ses 84 pages, imprimées selon les normes écologiques et son format étudié pour ne pas gaspiller le papier, il est diffusé au plus juste, c’est à dire que le nombre d’exemplaires est calculé pour que 5 jours avant la fin du festival, il n’y en ai plus. C’est économique et écologique !
Le site internet : même s’il date un peu et qu’on étudie la possibilité de le renouveler. Il est une interface d’information pour le public. Il y retrouve la programmation bien sûr, et dispose de 700 médias (vidéos, son…). 65% du public y achète ses billets.
Le Creator Studio de Meta (ex-Facebook) qui nous permet d’anticiper la publication et d’être ainsi plus efficaces.
Un exemple de réussite dont vous êtes particulièrement fière ?
L’une de mes plus belles expériences est d’avoir participé à l’édition du livre consacré aux 30 ans du festival, ce livre de 300 pages a été édité en 2010 aux éditions Actes Sud.
Pour finir, qu’est-ce qui vous rend folle de joie dans votre métier ?
Le fait de voir se lever le public du Corum à l’issue d’une représentation d’un spectacle du festival. Sentir l’enthousiasme des 2 000 spectateurs face à une nouvelle proposition chorégraphique, c’est chaque fois extraordinaire.