Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Sixième entretien avec Chloë Achard, chargée de la communication de la Comédie – CDN de Reims (direction : Chloé Dabert).
Le théâtre a toujours intéressé Chloë Achard – le lieu, plus que le plateau, même si elle a suivi un cursus littéraire et une option théâtre au lycée. En licence culture et patrimoine des métiers du livre, elle fréquente la Scène Nationale la Comédie de Clermont-Ferrand où elle rencontre une chargée de communication qui lui ouvre des horizons sur les “métiers de bureau” moins connus. Après un premier stage là-bas, puis un master Gestion de projet culturel – arts du spectacle, elle effectue un stage à la Comédie – CDN de Reims, dans le cadre du Festival Reims Scène d’Europe (aujourd’hui FARaway – Festival des Arts à Reims). Elle affine sa connaissance du territoire grâce à des CDD dans diverses structures. En janvier 2019, lors de la prise de fonctions de la nouvelle directrice Chloé Dabert, elle est rappelée en renfort et occupe depuis le poste de chargée de la communication. “C’est par le prisme du théâtre que j’ai réalisé que la communication pourrait me plaire, le fait d’être au service d’une maison d’artistes, de faire en quelque sorte le lien entre le public, les artistes et le projet de la Direction.”
Bonjour Chloë, quelle est selon vous la spécificité de la communication dans le secteur du spectacle vivant ?
Pour le coup, je vais surtout parler du CDN. Le bâtiment reste toujours le même, mais à l’arrivée d’une nouvelle Direction, c’est comme si le lieu changeait. Les projets sont différents : ça passe d’abord par la programmation et, dans un second temps, par la communication. La communication de Chloé Dabert n’est pas celle de l’ancien directeur, Ludovic Lagarde, car on n’est pas du tout sur le même projet, les mêmes valeurs. Pour moi, la spécificité du spectacle vivant, c’est donc de s’adapter au projet et aux artistes amenés par la Direction.
Dans le spectacle vivant, on doit aussi gérer deux types de communication : la communication “générique” (du projet global d’établissement) et la communication qui s’adapte en fonction des projets artistiques, des artistes qui passent par cette maison et que nous accompagnons.
Quel est votre rôle et quelles sont vos missions ?
Nous sommes deux, je suis chargée de communication et j’ai avec moi une attachée de communication. Je coordonne le service, je suis en lien permanent avec notre graphiste Julie Linotte, une prestataire extérieure – mais qui vit à Reims (une volonté de Chloé Dabert).
Mes missions quotidiennes concernent surtout le print. En ce moment je suis essentiellement sur notre revue trimestrielle. L’objectif est de parler des spectacles du moment avec un angle accrocheur, qui ne soit pas simplement un résumé : coulisses de la création et du CDN, tête d’affiche, actions culturelles… Je m’occupe aussi de tout ce qui est affichage, actualités et communication institutionnelle.
Je suis un peu la cheffe d’orchestre. J’échange avec la graphiste, je choisis et briefe les journalistes de la revue, tout cela en accord avec la Direction. J’établis leurs contrats, je les mets en lien avec les artistes. Les revues me prennent beaucoup de temps à l’année car c’est un gros travail de coordination entre artistes, journalistes et direction.
Mais aucune journée ne se ressemble : aujourd’hui je suis sur la revue, demain je rencontre un artiste qui arrive ici en résidence, avec qui on va tourner une courte vidéo pour les réseaux sociaux !
Quels sont les temps forts de communication d’une saison à la Comédie – CDN de Reims ?
Les productions sont les premiers temps forts car nous avons de grands enjeux. Les créations produites chez nous ont une communication beaucoup plus développée qu’un spectacle qu’on accueille.
On a ensuite les temps forts du festival, par exemple le FARaway – Festival des Arts à Reims, une Collégiale, c’est beaucoup de spectacles. C’est particulier parce que le festival a sa propre identité graphique. Il y a d’ailleurs une personne responsable de la communication du festival au sein de la Comédie.
Ensuite, à la Comédie, il y a les Samedis Comédie où l’on a une communication spécifique destinées aux familles. En juin, nous nous concentrons sur Intercal qui fait se rencontrer des artistes issus du théâtre, des arts visuels et du numérique pour questionner ensemble leurs disciplines. C’est aussi un grand temps fort avec une grosse campagne de communication.
Quels sont vos trois outils de com essentiels ?
La brochure de saison, qui est le gros morceau, qu’on attaque avant la fin de la saison précédente. C’est l’outil principal de la Comédie puisque le public y est particulièrement attaché : il les garde chez eux précieusement d’année en année. Et puis, c’est le premier document qui dévoile la saison. Ici, nous la dévoilons d’abord en print, et après sur le web.
Nous avons ces fameuses revues trimestrielles dont je parlais.
Enfin, il y a aussi les réseaux sociaux, surtout Instagram. Notre CDN étant un lieu de création, les spectacles ne sont pas encore finalisés. En dévoilant les coulisses de la création d’un spectacle, la régie, les costumes, etc. nous touchons un autre public, plus jeune.
Un exemple de réussite dont vous êtes particulièrement fière ?
La campagne qu’on a réalisée l’an dernier. La Comédie a été fermée toute l’année, on a fait un festival d’un mois et demi quand on a pu rouvrir. On a brainstormé pour le nom : la “Belle Saison”, avec l’idée de “revanche”, “se faire la belle”. D’habitude, on ne travaille que sur du graphisme, mais en rédigeant le brief pour ma graphiste Julie Linotte, je me suis dit que les gens avaient envie de voir des visages sans masque.
Avec la graphiste et notre photographe Vincent VDH, on a imaginé ensemble une campagne photo avec des salariés de la Comédie, des spectateurs habitués, des partenaires, des élèves de la Classe de la Comédie, et on a fait une campagne photo où on a pris individuellement plusieurs personne avec un maquillage imaginé par ma graphiste et réalisé par une maquilleuse, Candice Davenne, comme un chemin sur le chemin avec une peinture bleue avec, au bout, un point. L’idée est de traverser ensemble et d’arriver tous ensemble au même point.
Tous ces visages, nous les avons affichés dans les rues de Reims. Mais aussi sur le site Internet, les réseaux sociaux, les programmes. Les retours ont été très positifs ! Ça faisait du bien de revoir des gens. Même nous, salariés, ça nous a permis de nous retrouver. Il y avait eu plein de nouveaux cette année-là, on n’avait pas pu se rencontrer donc ça a été l’occasion de se sentir (ré)unis. Je craignais que les salariés soient réticents mais ils ont tous joué le jeu, leurs enfants ont participé aussi, on leur a présenté les bureaux et j’ai réalisé que mon métier peut aussi faire ça : créer du lien, faire se rencontrer les gens.
Portraits : Vincent VDH Photo : Vincent VDH
Trois mots clés pour qualifier votre com ?
#ludique #création #colorée
Ludique parce que notre graphiste n’avait encore jamais travaillé dans le milieu du spectacle vivant, elle a dû apprendre les termes qui ne parlent qu’aux professionnels : production, co-production, maison d’artistes, artistes associés, artistes résidents… Elle a donc inventé une sorte de lexique avec des pictogrammes qui a beaucoup plu. Elle travaille aussi énormément sur le bâtiment auquel les gens sont très attachés. Par exemple, dans le hall, on retrouve des lampes en forme de briques du bâtiment, les visiteurs le remarquent, s’interrogent.
Création parce que, comme je vous l’ai dit, la particularité du CDN c’est que nous avons peu d’images de plateau puisque la plupart des spectacles que nous accueillons ne sont pas encore créés et sont en cours de création au moment de l’élaboration de la brochure et la mise en ligne de notre site internet. On discute avec les artistes pour savoir quelles images libres de droits collent le mieux à leurs projets artistiques. On est sans cesse obligés d’inventer, imaginer, car il n’y a pas beaucoup de matière à donner à la communication, donc nous la créons nous-mêmes en lien avec les artistes !
Colorée parce que notre graphiste utilise énormément de couleurs fluos : 4 pantones fluos pour notre brochure, les campagnes d’affichage sont aussi très fluos, orange, rose, bleu, vert fluo… voilà, colorée !
Un mot optimiste en cette rentrée (presque) post-Covid-19 ?
Reconquête. Le théâtre est sorti des habitudes des gens, on a beaucoup de mal à remplir les salles, donc on doit partir à leur reconquête. Avant, on avait un fond de salle, les gens prenaient leurs places à l’ouverture de saison et peu achetaient une place le soir-même. Maintenant, ils viennent au dernier moment. On essaie donc de s’adapter, de changer nous aussi les choses, on communique sur les spectacles, en print comme sur le web, quelques jours avant, voire la veille pour le lendemain (par exemple avec une newsletter, outil qui génère du chiffre d’affaires), au lieu de deux semaines avant. Ces changements d’habitudes réinterrogent aussi nos pratiques.
Ce qui vous rend folle de joie dans votre métier ?
Tellement de choses ! Je vais dire la rencontre et la créativité, et surtout le “faire ensemble”, parce qu’à la Comédie on a une cohésion d’équipe extraordinaire. J’ai cette chance de pouvoir interroger tout le temps mes collègues pour enrichir la pratique de mon métier !