Chaque mois, nous allons à la rencontre de communicant·e·s du secteur pour partager idées, bonnes pratiques et motivation. Deuxième entretien avec Amandine Ligen, responsable Communication et Mécénat de l’IAC Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne (69) (direction Nathalie Ergino).
Après des études de droit et Sciences Po Paris, dans l’optique de passer des concours administratifs, Amandine Ligen se tourne finalement vers la culture, par goût personnel et, “peut-être, un certain atavisme familial”. Elle débute son parcours professionnel en ingénierie de projets, stratégique (développement culturel du Grand Paris, du quartier de la Défense…) et opérationnelle : “il n’y avait pas de contradiction avec mon désir initial, puisque la culture est un service public.” Elle quitte quelques années plus tard Paris pour s’installer à Lyon. Elle intègre rapidement, en 2017, l’IAC de Villeurbanne, sous la direction de Nathalie Ergino, en tant que responsable Communication et Mécénat.
Bonjour Amandine. Quelle est selon toi la spécificité de la communication dans le secteur culturel et plus particulièrement de l’art contemporain ?
Pour les arts plastiques, en tout cas à l’IAC, la difficulté est d’accompagner tous les projets en respectant l’univers, le parti pris des artistes. Il est important pour nous de ne pas dévoyer leur propos au service de notre communication. Tout l’art est donc de trouver l’équilibre, le point de jonction et la cohérence entre nos enjeux en tant que lieu culturel et une proposition artistique. La communication est un service support, elle doit se mettre “au service de”, ne pas “communiquer pour communiquer”, ce qui n’est pas toujours évident dans un monde où elle a pris tant de place. À partir de là, notre façon de communiquer va être différente selon qu’il s’agit d’une exposition collective, d’une monographie, d’un projet dans un temps long ou plus court, et en fonction des artistes : certains jeunes maîtrisent très bien les réseaux sociaux, d’autres y vont à reculons… Nous nous adaptons sans cesse. C’est, je crois, notre spécificité et sans doute celle de la communication culturelle en générale.
Quels sont les temps forts de communication d’une saison – si vous en avez une – à l’IAC ?
Oui, on peut dire qu’on a une saison, même si on ne l’appelle pas ainsi et qu’elle n’est pas calquée sur une saison théâtrale par exemple. En moyenne, nous avons trois expositions par an et un temps fort “Ex Situ” (hors les murs) – puisque nous sommes un centre d’art et aussi un Frac (fonds régional d’art contemporain) avec une collection qui “voyage” chez différents partenaires, en France et à l’étranger. Donc les temps forts de communication sont l’accompagnement de ces différents projets, auxquels s’ajoutent deux autres temps dans l’année : les stations du “Laboratoire Espace Cerveau”, une plateforme de recherche qui croise art et sciences et autres disciplines.
Et à côté, nous avons tout ce qui concerne les activités “de fond” pour les publics, les éditions, les activités des Amis de l’IAC qui nécessite une communication plus institutionnelle.
Quels sont tes trois outils de com essentiels ?
En premier, ça reste le print. Ça va peut-être changer, pour s’adapter à de nouveaux usages et à la montée en puissance des outils numériques. Mais pour l’instant, nous gardons cette communication papier. Le carton d’invitation est un objet unique, une trace physique que l’on conçoit comme un prolongement de l’exposition. Certains visiteurs “fans” font la collection depuis très longtemps. Nous sommes aussi l’un des rares centres d’art à publier un programme papier, un gros document assez unique qui donne la programmation de l’année.
Ensuite, la newsletter est assez déterminante. Mensuelle, elle est avant tout conçue pour le grand public, mais inclut les pros aussi. Nous réfléchissons à une news spéciale enseignant·e·s pour les actions culturelles en direction des scolaires.
Enfin, nous essayons de nous perfectionner sur Instagram qui devient un canal très important dans notre secteur, pour sa dimension visuelle. Il y a eu une surenchère, lors du premier confinement qui nous a tous sidérés, c’était comme une fenêtre sur l’extérieur alors que nos lieux étaient fermés et que l’appétit de culture était là. Nous y sommes entrés un peu à marche forcée, et nous allons progresser car on sent le besoin d’y être présent, alors que notre fermeture s’éternise.
Un exemple de réussite dont tu es particulièrement fière ?
Le dispositif de communication mis en place en 2018 pour les 40 ans de l’IAC. L’enjeu était d’inscrire le lieu dans une histoire et une mémoire (40 ans, ce n’est pas tout jeune) tout en restant ancré dans la création contemporaine. Pour exprimer cette idée, nous avons (ré)édité une création graphique de Laurent Weiner, artiste “historique” de l’Institut, qui a servi d’affiche, avec un message basé sur jeu typographique très inclusif, très actuel. Nous avons eu d’excellents retours, des retombées médias. Et l’affiche s’est très bien vendue !
Trois mots clés pour qualifier votre communication ?
Plutôt que des mots-clés, je dirais : #auservicede – au service des recherches, des explorations, des expériences menées par les artistes. Et ce n’est #jamaislamêmechose !
Un mot optimiste pour finir ?
L’IAC travaille depuis longtemps avec des artistes qui s’intéressent aux questions de l’Anthropocène, à l’impact de l’homme sur Terre, etc. Sur le plan artistique, je crois que ce moment de crise, ce temps qui paraît “suspendu” ne sera pas stérile pour les artistes, mais qu’il sera un temps d’approfondissement, de création encore plus foisonnant, voire d’inspiration pour aller vers d’autres territoires. Ils et elles sont en quelque sorte nos guides, des défricheurs, des décrypteurs du monde et ce sera intéressant de voir où ils vont nous embarquer. En termes de communication, la crise actuelle nous donne de nouvelles envies, celles de développer de nouvelles pratiques : le champ des possibles est incroyable pour faire vivre des expositions à distance, inventer d’autres façons d’aller vers le(s) public(s), vers l’Autre – même si, bien sûr, rien ne remplacera le contact physique et la matérialité d’une oeuvre. Et surtout, qu’est-ce qu’on va être contents de se retrouver lorsque nous pourrons ouvrir à nouveau !
Photo d’Amandine Ligen devant l’œuvre d’Amélie Giacomini et Laura Sellies – exposition Rituel.le.s à l’IAC jusqu’au 28 février 2021.